Sans être du niveau critique d'un La Cité de dieu (encore que, le film de Meirelles est loin d'être aussi renversant que prévu), Besieged City évoque une jeunesse insouciante perdue dans les magouilles de drogue. Ce qui entraîne la descente aux enfers du petit Jun, un garçonnet martyrisé par ses camarades de classe et tabassé par son père, c'est bien l'accumulation de sévices humiliants entraînant cette envie de tout détruire autour de lui et par la même occasion d'en finir avec la vie. Si cette seconde suggestion n'est pas légitime, ses conditions de vie le pousseront à rejoindre le camp du mal incarné par une bande de junkies zonards menée par la perspicace Panadoll. Le film se déroule dans le quartier prison de Tin Shui Wai, véritable piège pour quiconque ose y poser les pieds. Pas non plus une zone de non droit, le cinéaste la dépeint pourtant comme telle avec une absence totale de policiers à l'écran ou de gens moyens qui ne demandent rien à personne. Ici ce sont les jeunes qui font la loi, ce sont les jeunes qui font circuler la drogue et qui la consomment par la même occasion pour devenir dépendants et ainsi renflouer les caisses des parrains plus haut placés hiérarchiquement (on ne verra ces derniers qu'en toute fin de métrage). A ce petit jeu de bad boy, Jun est perdant. Le film se lance véritablement lorsque le grand frère de Jun, Ling, apprend que son petit frère qu'il n'a pas vu depuis des mois a commis une tentative de suicide. Il va alors entreprendre une véritable enquête en rassemblant divers témoignages auprès des amis que Jun à côtoyé le temps de quelques virées quasi suicidaires dans les bas fonds du nord-ouest de Hongkong. Cette quête sur la vérité est bien rendue par une utilisation judicieuse du flashback. Pas le genre de scènes passées que l'on verrait étirer sur deux minutes pour finalement retomber illico presto dans le présent, non, Besieged City vit dans le passé et dépeint plutôt bien la condition déplorable de gosses laissés à l'abandon. Jun est battu par son père, Panadoll la leader est couramment violée par son propre père lequel lui donnera un fils suite à une relation incestueuse. Sa sœur, Yee Wah, semble être l’un des seuls espoirs. On ne connaît rien des autres membres du groupe, élevés aux sorties nocturnes dans les boîtes branchées. Plus une reconstitution de la "vérité" qu'une vraie satire sociale, le cinéaste opte pour une structure cohérente mais linéaire où il faut parfois rester très attentif pour saisir les subtilités des passages dans le temps.
Vrai faux polar, Besieged City brasse les thèmes avec une vraie souplesse car derrière un discours critique, le film de Lawrence Kwok est un vrai thriller : Ling se fait embarquer un beau matin par une bande de malfrats retranchés dans une décharge abandonnée pour tabasser de la balance ou de l'indic' : il est mêlé aux affaires douteuses de son petit frère, ce dernier sachant où se trouve une valise de drogue recherchée par les barrons. Menacé de mort, il est forcé de convaincre son petit frère de lui dire où se cache la came. On évoquait précédemment une parenté -lointaine- avec l'oeuvre de Meirelles : les oeuvres démontrent toutes deux la prise de pouvoir de gosses dans une région qui leur est propre (les favelas contre la prison Tin Shui Wai), leur envie de faire comme les grands (deal d'armes à feux chez l'un, deal de drogue chez l'un et l'autre), mais aussi leurs désillusions à force de jouer avec le feu. De plus la mise en scène caméra sur épaule permet de rendre l'ensemble alerte et énergique. Si l'on trouve une forme d'espoir dans La Cité de dieu, Besieged City se termine sèchement et flanque par la même occasion un joli coup de crosse là où ça fait mal. Pas d'issues possibles (comme le montre fort bien l'affiche du film), les gentils ne gagnent rien et les mauvais finissent par croupir en taule ou laissés à l'abandon la tête explosée sur le trottoir d'une rue. Par son aspect extrêmement claustrophobe, le film parvient à créer un malaise bien palpable, notamment par le sort réservé aux adolescents que l'on suit de A à Z. On parvient effectivement à s'y attacher malgré leur CV pas bien rose et la douleur n'est que plus forte lorsque ces derniers finissent par flancher. Bien que le film soit inégal dans sa peinture très subjective du milieu (un peu comme lorsque Brillante Mendoza dépeint les Philippines comme un lieu de non droit absolu dans Slingshot), et que ses tics formels se transforment en "tocs", on se dit que le cinéaste n'est pas passé très loin du film très réussi, la faute à un manque de moyens évident et par un ton beaucoup trop sec frôlant la complaisance (les séquences de sniff sont par exemple comparées à de véritables ballets de poudre, un peu gros). Bancal mais bien écrit, Besieged City est une bonne réussite du genre, dénonçant de manière ouverte les gosses de Tin Shui Wai laissés à l'abandon, transformant alors ce qui devait être l'image de la vitesse de croissance d'Hongkong en lieu de tous les dangers. Vous êtes prévenus.
D’une, on ne peut que regretter que Lawrence Ah Mon soit un cinéaste si méconnu dans nos contrées. De deux, ce Besieged City (2007) est à l’image de certaines de ses œuvres antérieurs comme Gangs (1987) ou encore Spacked Out (2000) ; elle est forte et réaliste, un constat sans appel sur une jeunesse de la société hongkongaise à un instant T. Cette oeuvre est d’autant plus un drame social que son aspect quasi documentaire dans la mise en scène renforce un sujet sans concession ce qui interpelle et fait réfléchir. Dès les premières images, Besieged City se veut sombre et coup de poing au travers d’un fait divers sordide qui enchaine avec une violence régnant dans l'enceinte scolaire.
Abandonnés dans cette cour des miracle, les personnages de Besieged City tentent tant bien que mal de survivre entre le béton armé et la drogue. La rue pour foyer, ces jeunes désoeuvrés survivent par l’illicite et les excès. Ces personnages sont par ailleurs, très bien interprétés par des acteurs, criant de vérité. On suit avec désenchantement leurs histoires qui n’offrent qu’un profond pessimisme sur leur devenir. Un tableau noir magistralement mis en scène par Lawrence Ah Mon qui adopte une réalisation sobre et maîtrisée, le cadre est bon tout comme la photo. Une chose est indéniable, l’œuvre reste incrustée dans la rétine un bout de temps…