Sonatine
L'euphémisme
La renaissance ?
Une perte douloureuse
I. L'EUPHEMISME ? (par Anthony C.)
C'est un euphémisme de le dire, mais le cinéma de Hong-Kong est dans une très mauvaise passe. Beaucoup d'épidémies le rongent et la situation semble quasi inextricable. Cet article débute ainsi un dossier fini par l'article de Sonatine. (Texte écrit en 1999)
Les productions cantonaises sont de moins en moins nombreuses à sortir dans les salles, au profit des productions américaines qui, comme ailleurs, cartonnent grâce à des campagnes de publicité monstrueuses que ne peuvent se payer les producteurs chinois, qui ont déjà assez de mal à produire des films décents.
En effet,          si les films sont peu nombreux, leur qualité est très loin d'atteindre          les sommets qui étaient les leurs au début des années 90, lors du règne          quasi incontesté de la Film Workshop de Tsui Hark et des Hero          Movies de John Woo          avec un pas encore désintégré par l'industrie hollywoodienne. Les budgets          sont de plus en plus faibles, les histoires de moins en moins originales          car copiées sur les plus grands succès américains du moment et le public          se détourne progressivement de son cinéma, pourtant l'un des plus intéressants          au monde.
La situation serait peut-être moins          grâve si les forces vives du cinéma de Hong-Kong n'étaient pas partis          pour d'autres cieux afin de se faire connaître du grand public et          tenter de nouvelles expériences qui aboutissent le plus souvent à des          échecs cinglants. En effet, pour un John Woo qui a réussi un superbe volte-face          hollywoodien, combien de Ringo Lam et de Tsui Hark se sont plantés avec          l'aide d'un Van Damme certainement trop cocaïné pour se rendre compte          de ce qu'il faisait. Ces derniers sont obligés de retourner à Hong-Kong          où ils connaissent là aussi des destins divers : Tsui Hark accumule les          projets avortés mais Lam en profite pour signer un de ses meilleurs opus          avec  Full Alert... Comme          quoi, revenir simplement au bercail ne suffit pas, encore faut-il le faire          avec la véritable envie que la situation change.
Le cinéma de Hong-Kong meurt donc progressivement pour des raisons artistiques          mais aussi pour des raisons économiques : le piratage est en effet très          présent dans l'industrie du cinéma, certainement plus qu'ailleurs sur          la planète. La durée de vie moyenne d'un titre sur les écrans de Hong-Kong          est d'une dizaine de jours et le film sort en vidéo (de façon officielle)          seulement un ou deux mois plus tard. Le prix des places de cinéma étant          assez élevé par rapport au salaire local, le public préfère attendre la          sortie en vidéo. Entre-temps, le film est déjà présent sur les étalages          des magasins de VCD pirates pour un prix défiant toute concurrence, les          bénéfices ne tombant pas, bien entendu, dans la poche des producteurs,          déjà mal lotis par ailleurs. 
Le marché du VCD est donc en pleine expansion,          ce qui pousse l'industrie à produire des films directement pour ce support          sans passer par la case cinéma, à l'instar des STV (straight to          video) américains. Ces films sont le paradis des acteurs en fin de carrière          qui viennent là cachetonner afin de payer leurs impôts. Des comédiennes          comme Yukari Oshima ou Cynthia Khan les fréquentent régulièrement. Autant          dire que la qualité est rarement au rendez-vous. Le piratage est à Hong-Kong          un véritable fléau que le gouvernement n'arrive pas à endiguer, il faut          dire que ce marché parallèle est aux mains des triades...
Le cinéma Hong-Kongais se meurt et rien ne semble pouvoir le sortir de sa torpeur et ce n'est pas la cessation des activités de la Golden Harvest qui va arranger les choses. A l'heure où le cinéma de Hong-Kong n'a jamais été aussi populaire en occident (voir le succès de la série télé de "Martial Law"), les fans de la première heure se désespèrent et la situation ne semble pas aller en s'améliorant.
 La          solution serait peut-être que les producteurs se lancent dans des projets          très ambitieux artistiquement qui titilleraient les envies du public et          ce par le biais de campagnes de marketing "à l'américaine".          Ainsi, The Stormriders de Andrew Lau a connu un très grand succès          public il y a deux ans en mélangeant des éléments traditionnels du Wu          Xia Pian avec des effets spéciaux numériques dignes des plus grandes superproductions          hollywoodiennes. A cette idée déjà commercialement forte était ajoutée          une campagne de pub rondement menée. Mais pour cela, il faudrait aligner          le chèque... Comme quoi la situation est vraiment inextricable.
II. LA RENAISSANCE ? (par Sonatine)
Les causes          sont nombreuses, tout d'abord la qualité des films produits. Les studios          se sont trop longtemps contentés de servir des suites et des remakes de          films à succès dans l'objectif de faire toujours plus de bénéfices. C'était          déjà vrai avant la crise, mais ces dernières années on ne compte plus          le nombre de films dont la qualité ne cesse de baisser. Pour prendre un          exemple il suffit de voir le remake de Bodyguard tourné avec le          très populaire Jet Li, inutile de dire que le résultat n'est pas réjouissant.          Les scénarii sont d'ailleurs d'une médiocrité de plus en plus alarmante,          les scénaristes seraient-ils en manque d'inspiration ? Cela semble bien          être le cas.
Des raisons économiques viennent s'ajouter, les productions locales ne peuvent rivaliser avec les budgets exorbitants des films hollywoodiens. La promotion d'un film de Hong-Kong ne peut rivaliser avec celle d'un film américain, les campagnes publicitaires sont un moyen majeur d'attirer du public dans les salles obscures, les Américains l'ont bien compris. De plus la durée d'exploitation d'un film local ne dépasse pas une semaine, réduisant encore ses chances de rivaliser avec son grand concurrent. Enfin, la crise économique qui a frappé l'Asie dès 1997 a eu des répercussions évidentes sur le marché du cinéma, ce qui ne facilite pas la tâche des sociétés de production contraintes de réduire leur nombre de films. C'est triste à dire, mais l'argent reste le catalyseur du cinéma, peu d'argent signifie donc logiquement peu de films produits.
On ne peut aborder ce sujet sans          s'attarder sur l'effet qu'a eu la rétrocession sur le marché local. Peu          de réalisateurs sont d'accord sur le fait qu'elle n'a pas eu seulement          un effet néfaste. C'est même le contraire qui se produit, en effet cette          peur de la grande Chine a donné lieu à de nombreux très beaux films, on          citera par exemple Lune d'automne de Claras Law ou encore le merveilleux          Happy Together de  	Wong Kar-Wai, une peur dont les scénaristes de talents ont su profiter.          Cela peut paraître paradoxal mais c'est un fait et la qualité de          ces films sont là pour nous le prouver. Pourtant le mal est là, on assiste          à une fuite de comédiens, réalisateurs et scénaristes qui ont bâti          le cinéma de Hong-Kong, les noms sont là : John Woo, Ronny Yu, Tsui          Hark, Jackie Chan          et d'autres quittent la colonie et réussissent plus ou moins bien leur          intégration dans le système américain. Tsui Hark est désormais rentré          à Hong-Kong, Jackie Chan lui voyage entre les deux pays, pourtant John          Woo semble s'attacher aux Etats-Unis pour le malheur de beaucoup de fans.
Ensuite          il y a le piratage et c'est là ce qu'on peut appeler le fléau de Hong-Kong.          Le pirate à Hong-Kong n'est pas chose nouvelle, en effet là est le paradis          pour le marché noir de la fraude qui touche tous les domaines y compris          et surtout le cinéma. Le marché du VCD pullule. Vendus à la sauvette dans          les rues de Hong-Kong, les VCDs pirates ont pris des proportions alarmantes          au point où un film à peine sortie dans les salles se retrouve en vente          dans la rue. La place de cinéma relativement élevée à Hong-Kong ne fait          qu'empirer les choses, le public choisit la solution la plus économique,          surtout en pleine période de crise. Ce marché noir est contrôlé          par les triades, on peut d'ailleurs en voir une bonne illustration dans          A True Mob Story de Wong Jing avec Andy Lau en vedette dans le          rôle d'un pirateur de VCD.
Pour prendre un exemple, la dernière grosse production Generation X Cops a été projetée en avant-première lors d'une soirée spéciale, le lendemain, le film était disponible dans les étalages. Sans oublier le fait que plusieurs versions sont proposées. En effet, les pirates ne se contentent pas de reproduire et de mettre en vente le film en question, ils créent eux-mêmes des sous-titrages pour les pays voisins. Et le piratage ne touche pas seulement la production locale, elle touche aussi de plein fouet les films américains. Le pays en question a d'ailleurs pris des mesures de répression contre la Chine pour violation de propriété. Bref un problème qui prend des tournures énormes et menace le cinéma.
Pourtant le cinéma de Hong-Kong          est il définitivement perdu ? Ce serait vite l'enterrer, il reste encore          des grandes maisons de production qui malgré toutes ces crises résistent          et offrent des films encore de qualité. De plus pour faire face au cinéma          envahissant de Hollywood, des films à gros budgets sortent durant l'été,          ainsi des films comme  ou le récent Generation X Cops sont          des réussites commerciales, preuve que le combat n'est pas perdu d'avance.          On assiste même à une certaine "renaissance", une nouvelle vague          a fait son apparition ces deux dernières années, des films de qualité          à petit budget qui sortent de l'ordinaire et redorent le blason du cinéma          local. Prenons par exemple le très bon Full Alert ou encore les          excellents films de UFO tels que Lost and Found ou Anna          Magdalena.
De cette crise, le nombre de films produits a considérablement baissé c'est un fait. Mais les films sont toujours là, on pourrait s'inquiéter sérieusement si les films étaient quasi inexistants, mais ce n'est pas le cas. Le cinéma de Hong-Kong a encore beaucoup à offrir et des réalisateurs de talent comme Wong Kar-Wai, Ang Lee, Tsui Hark, Fruit Chan et bien d'autres seront là pour nous le prouver.
Sonatine
Ce texte, il n'engage que moi et mes opinions.
Ce texte, en sera un de nostalgie, car le cinéma a marqué chaque instant de ma vie. De l'époque où j'allais aux matinées pour jeunes pour 1$ voir les Kaiju Eiga, les westerns spaghetti et les kung-fu comédies de Sam Hui. Au temps où alors que je venais de redevenir célibataire, je redécouvrais le cinéma d'exploitation et celui de Hong-Kong. (Texte écrit en 2001)
La situation de Hong-Kong en est une de nostalgie, car il faut bien être honnête, la situation n'est plus ce qu'elle était.
Les années 60-70, comme vous le savez, sont d'après moi, la meilleur période pour le cinéma mondial. Le cinéma d'auteur comme celui d'exploitation était dans une période créative fiévreuse... Hong-Kong n'échappait pas à la règle. Mais c'est ici que les chemins se sont séparés.
À l'époque, le cinéma de          sabre mandarin dominait le box-office de 65 à 71 et accessoirement Chang          Cheh et King Hu. Mais l'arrivée du Petit Dragon a balayé les épées de          la surface du palmarès. La mort du Petit Dragon par contre a coïncidé          avec une petite période d'incertitude que les frères Huis, entre autre,          ont contribué à détruire. Le mot détruire est juste, parce que cela a          été le début du cinéma Cantonnais dominant et surtout de la domination          du cinéma local au box office.
Dans les années 80, mis à part l'éternel James Bond qui a toujours eu la faveur des gens de l'ancienne colonie, le cinéma est "local".
A Better Tomorrow et son succès phénoménal dans le milieu 80, pourrait être le symbole de cet âge d'or Hong-Kongais. La fin 80 début 90 a vu la production de films à gros budget, de sagas (les Big Timer movies) historico-mafieuses, les comédies en costumes, les Wu Xia Pian aériens, les kung-fu en costumes. Entre 200 et 300 films étaient produits. Un état de fait qui a duré jusqu'en 1995 environ.
Mais pour bien comprendre ce qui va suivre, il faut comprendre la situation du cinéma international.
"Blockbuster" et Multiplexe
Le cinéma européen est détruit, il ne faut pas qu'il se reconstruise...
À la fin de la 2nde guerre mondiale, Orson Welles raconte qu'il a été convoqué dans le salon Ovale où le président s'entretient avec plusieurs hommes de l'industrie cinématographique. C'est là qu'il aurait dit cette phrase (je paraphrase bien sur). Elle représente bien l'industrie américaine. Les USA ont vite compris le parti qu'ils pouvaient tirer du cinéma. L'image de l'"american way of life " dépeinte dans les films a, à mon humble avis, plus contribué à leur domination culturelle que n'importe quoi d'autre.
Leur méthode de distribution plus proche de la vente sous pression à porté ses fruits. Voici d'ailleurs un petit exemple fantasmé pour bien faire comprendre comment ça marche :
"la scène se déroule entre un propriétaire de salle et un distributeur"
- Hey tu le veux Titanic?
-  Oui je le veux Titanic, m'a faire la piasse avec ce film, tout le          monde va venir... Hé ! Hé ! Hé !
- Oui, mais si tu le veux, faut que tu prennes le reste du catalogue !
- C'est quoi le reste du catalogue ? "Poutpout et Moumoute chez          les folles", "Gymkata contre les Ninja de L'espace", "Shaft          se fait un Shaft". Mais c'est de la merde !
- Ouais, mais on les a produit, alors il faut les montrer.
- Mais j'ai que 5 salles, il restera plus de place pour les films locaux          et étrangers si je fais ça
- Hé ! Hé ! Hé !
Mais maintenant, avec les systèmes de franchise, ce dialogue commence à déjà être passé de date. Tout appartenant aux USA. Ils ont d'ailleurs essayé de faire pression, lors de discussions sur le libre échange, sur l'aide monétaire gouvernementale apportée à l'industrie du cinéma. Ils partaient de la prémisse simple, que si eux ne subventionnent pas leur cinéma, les autres ne devraient pas le faire. La France et la Corée ont été parmi les pays qui ont dit F... (voir le groupe de cinéastes qui se sont rasé le crâne en public pour protester contre ça ).
Hong-Kong Flick
Le cinéma asiatique est en majorité          un cinéma de genre. C'est un des trucs que n'ont jamais compris les critiques          occidentaux. Par exemple pour eux Tabou est un film d'intello à propos          du désir. Pour un Japonais, c'est un chambara. Ça parle de désirs          et de pleins de choses, amis c'est un chambara. Les asiatiques ont toujours          parlé de pleins de trucs au travers du cinéma d'exploitation. Ce qui explique,          vu le peu de respect pour ce genre de film ici, pourquoi plusieurs séries          et œuvres sont inconnues ici.
Qui dit cinéma de genre dit "exploitation", qui dit "exploitation" dit réseaux. Donc, pas le choix, il devra y avoir des compagnies et des distributeurs. C'est ce qui fait que le cinéma HK et indien a été si fort. Parce que ce n'est pas comme ici où il existe une barrière entre le cinéma commercial et celui d'auteur. Les auteurs qui font du cinéma d'auteur on généralement peu de succès. Kurosawa ? Pendant longtemps il a été considéré comme le "gars" qui réalisait les films de Toshiro Mifune. Ozu et Mizoguchi ? Eux aussi faisaient du cinéma de genre, car au Japon, il y a un genre pour tout. Il y a même un genre qui désigne un style de films de gauche. Ozu réalisait un cinéma qui nous parlait de famille et de société. Ce qui, au Japon, est un genre en soit. Un jour, il faudra que j'écrive un texte parlant des nombreux genres qui ont marqué le cinéma japonais, mais comme c'est un peu gros pour un humble gars comme moi, si ça vous intéresse, vous pouvez toujours vous référer aux volumineux bouquins de Sato Tadao (NDR : Le Cinéma japonais en deux volumes).
Tsui Hark à ses débuts s'est essayé à un cinéma plus sauvage, plus radical avec le manque de succès que l'on sait. Plus tard il trouvera la formule que l'on connaît. Offrir un spectacle, de l'action, du drame et en même temps parler de ce qu'il veut. Dans la série des Once Upon A Time In China (ou OUATIC, surtout les 3 premiers) il parle de nationalisme de façon assez subtile. Plus que Falardeau au Québec par exemple.
Multicentre, Jurassic Park, Crise économique et Rétrocession
N'en déplaise aux fans, le cinéma HK est dans une crise grave. Due à plusieurs facteurs.
Premièrement la rétrocession. Comme on le sait, le cinéma de Hong-Kong est dans un âge d'or, jamais les films américains ne se hissent aux premières places du box-office. Les producteurs sont donc confiants et produisent des films dans une logique hystérique qui consiste à faire le plus de fric avant la date fatidique. On produit donc vite souvent n'importe quoi. Vous avez aimé Swordman ? Paf voici les chevaliers volant. Vous aimez les comédies Molaytaux de Stephen Chow (la grosse vedette du début de la décennie, il dominait parfois jusqu'aux 4 premières places du box-office). Il semble aussi que les sympathiques triades ont pensé à la même chose. Il arrive aujourd'hui que les films parfois, sortent en VCD en même temps leur sortie en salle.
1997 ne change pas vraiment grand chose aux statuts des Hong-kongais... Mais c'était sans compter sur le tristement célèbre crash boursier d'octobre 1997, une crise économique qui balaya l'Asie. Sans tomber dans les détails, on sait le comment et le pourquoi de cette crise. On sait aussi la cible. Il est malheureux que des pays comme la Corée se soient trouvés dans les parages. Mais je ne veux pas faire de politique. Hong-Kong fut durement touché, surtout parce que plusieurs pays voisins furent ruinés. Une des forces du cinéma Hong-kongais repose sur l'exportation dans le sud-est asiatique : là les revenus générés chutent dramatiquement.
Bien sûr aussi, depuis Jurassic          Park, les attentes du public sont plus fortes. Ils veulent du spectacle.          Des CGI et Tutti Quanti. La rétrocession à quand même eu du bon. Pour          ma part, je dois dire que le cinéma Hong-Kongais a toujours représenté          le cinéma d'exploitation cool. Un spectacle dégoulinant d'imagination          différente. La période de la rétrocession a coïncidé avec le festival          Fantasia. À cette époque le monde découvrait le cinéma HK. Des types comme          Tarantino et Scorsese avouaient leurs admiration pour la technique de          John Woo, Wong Kar-Wai charmait          le monde avec son Chungking Express.
Wong Kar-Wai est un cas, un genre à lui seul. Un "auteur" comme on dit ici. Nous avions l'impression qu'il se passait quelque chose à Hong-Kong. Fantasia nous faisait découvrir des films comme Beast Cops ou ceux de la Milky Way Image. Wong Kar-Wai, Fruit Chan et la Milky Way nous ont donné la fausse impression d'un cinéma rebelle et "auteurisant" qui se porterait bien. Mais en fait, on pourrait quasiment dire que c'était le dernier assaut.
J'ai été dupe, je l'admets. J'ai          redécouvert le cinéma de Woo, que j'avais trop vite classé dans la catégorie          "action pack". Je me suis réconcilié avec les films de genre.          Mais surtout, j'ai trouvé un écho révolutionnaire dans les films de la          Milky Way Image. Le label que Johnny To décrivait alors comme un collectif          semblait engagé dans une déconstruction du genre polar / triades / film          noir. En fait une reconstruction, car tout en ridiculisant certains stéréotypes          propres au machisme ambiant des polars, le gang de To s'arrangeait pour          quand même faire du mythe, du "cool" quoi. Déjà dès 1996 avec          Beyond Hypothermia les éléments du film policier d'action mélodramatique          étaient façonnés de façon plus originale. Mais c'est avec          le triptyque de 1997 : Too Many Way to be Number One, The Odd          One Dies et Longest Nite que les choses ont paru le plus radical.          Ces 3 films sans concessions donnaient vraiment l'impression d'être une          thématique de guérilla complètement pensée et réfléchie. Les thèmes comme          la destinée (est-elle entre nos mains ou est-elle écrite ?), la femme,          le machisme, les choix de vie, les triades etc etc soutenus par une recherche          formelle et une musique ironique ont séduit les critiques. Mais hélas          pas le public. A Hero Never Dies film qui va plus loin qu'il en          a l'air, tout en ridiculisant certains aspects mâles et les gunfights          à la Woo, en profitait pour quand même être baroque et "mythifiant".          Expect The Unexpected sous le couvert d'une romance tournée à la          façon des séries télé nipponne nous assenait le coup de grâce.          Mais pour moi c'est le début de la fin. La Milky Way Image pourrait être          le symbole, plutôt l'illustration de l'industrie cinématographique          de Hong-Kong.
Expect The Unexpected était          de facture beaucoup plus classique, mais je suis porté à croire que ce          parti pris servait la cause et rend la fin plus puissante et significative.          Mais les 3 films de To ont été plus inquiétant. The Mission porte          encore l'ironie, la déconstruction des œuvres précédentes de la          Milky. Le générique porte encore la mention de la Milky Team Creation          (To et Wai Ka-Fai insistaient pour raconter à tous les journalistes de          Montréal que la Milky fonctionnait comme un collectif où tout le          monde avait son mot à dire et où on déterminait qui allait faire          quoi en fonction de tout le monde) et le côté formel sert un propos          subtil. La première moitié nous montre ce que d'habitude ont ne voit pas.          Pendant que les "patrons" des triades font leur "meeting",          que font les "bodyguard" ? En nous montrant seulement le point          de vue du groupe de garde du corps, To réinvente les scènes d'action.          La deuxième moitié est plus subtile, nous laissant l'interprétation des          agissements des personnages à notre jugement (quoique la version en mandarin          soit plus explicite).
Mais je ne peux en dire autant des deux autres. Where Good Man Goes est correct, mais sans envergure, tandis que Running Out Of Time est un film tiroir, bien léché mais sans ironie. La musique est belle et sert le propos de façon classique. En fait tout est à sa place. Comme la plupart des films du monde entier !
Sauf Comeuppance, un film ironique et le très sensible Spacked out de Laurence Ah Mon, les films Milky Way Image sont désormais des succès au Box-Office. Des comédies comme Help et Needing You, sans grande recherche comparé aux films précédents, remplissent les caisses. To le fait pour subventionner ses futurs films ? Ses futurs films comme Running Out Of time 2 ? Johnnie To fait maintenant partie de "100 Years Of Cinema", une nouvelle compagnie beaucoup plus commerciale.
La période 96-99 avec les films          de la Milky Way, Beast Cops, Viva Erotica, Made In Hong-Kong          par exemple, aura été une période riche, non pas en succès commerciaux,          mais en terme artistique. Cela aura contribué à un gigantesque malentendu.          Les critiques découvrant ces films auront cru à un renouveau du cinéma          de Hong-Kong, couplé au fait que certains réalisateurs comme Woo, Kirk          Wong, Lam et Tsui Hark,          auront fait des tentatives Hollywoodiennes. En fait, les exilés sont le          fait d'une crise et non d'un épanouissement. D'ailleurs Hark, et Lam retourneront          dare dare à Hong-Kong (Lam en profitera pour réaliser certains de ses          meilleurs films, comme Full Alert)
Le Cinéma HK maintenant
Il y a donc crise. Je sais ce que certaines personnes, fans Jacky Chanesque, frétillent de colère à cette évocation apocalyptique. Mais laissez moi évoquer le personnage de Simon. Simon est un parfait spectateur typique. Il va au cinéma comme certains regardent la télé. Pour se divertir, il va au cinéma au moins 5 fois par mois, sinon plus. Il voit surtout du cinéma US, car c'est ce qui passe dans nos salles. Simon est le spectateur idéal, les producteurs s'ils le connaissaient, lui offrirait sûrement un Camaro. Car Simon est le meilleur agent de publicité. Simon aime tout. Pas tout en fait, il n'aime pas les films chiant, mais tous les films bing bang US Action pack S-F cool dude ! Il aime tout. Pour lui le nouveau Star Wars est un événement, mais Donjons et dragons aussi, ainsi que Gone In 60 Second, le nouveau Arnold, le new Mel Gibson et il aime Jet Lee en autant qu'il joue dans des films proches de lui. Entre parenthèse, vous avez vu : Jackie Chan fait un malheur dans Rush Hour, mais quand on ressort Drunken Master II en salle, ça n'a pas le même succès. Y comprenez-vous quelque chose? Trop de jaune ? Ouais peut-être.
Anyway ! Pour en revenir à Simon. Le type aime les films de S-F. Donc pour lui, pas de différence, tout est au même niveau. Il aime les films de poursuite de voiture ? Donc tous les films de voiture se valent. Inutile de lui dire qu'une poursuite peut-être mieux tournée qu'une autre.
Un gars comme Simon ne remarque sûrement pas que les films sont moins de qualité. Les faits, mon ami. Les producteurs US ont adopté une logique similaire à celle des producteurs HK du milieu 90 : produire pleins de films, un peu n'importe quoi, de toute façon le public y va. D'après un sondage pan-américa, 2000 serait la pire année depuis longtemps au niveau qualité. Pourtant, les chiffres, les entrées sont bons.
C'est la même chose pour HK. Les fans lorsqu'ils voient un film moins génial se disent : "c'est pas si pire, au moins je ne me suis pas totalement ennuyé" ou "j'ai déjà vu pire". La loi du plus petit dénominateur, pourtant les choses sont loin d'être idéales. Le dernier Jacky Chan était trouvable en VCD pirate deux semaines avant sa sortie en salle. Et vous admettrez qu'on est loin de Project A.
Sauf Wong Kar-Wai qui continue          sa conquête de l'intelligentsia mondiale, les grands de l'âge d'or          HK sont traités comme les derniers des derniers. Le grand (et gros) Sammo          Hung réalise n'importe quoi et les nouvelles gueules aussi. En fait, la          tactique des producteurs est simple : faire du blockbuster à l'américaine.          Et comme HK a toujours aimé les histoires d'espionnage à la James Bond          et Mission Impossible, et comme l'enfant exilé à fait MI2,          on se retrouve avec un paquet d'histoires de groupes anti-terroriste/flic          de choc/espions/voleurs qui cherchent des formules secrètes/bombe/armes          ou combattent des terroristes/tueurs à gages/espions. Ces films sont pleins          d'action et/ou effets spéciaux. Tout ça pour en mettre pleins la          vue madame ! Les ex-directeurs photos, maintenant réalisateurs, nous criblent          de zoom in/zoom out, de slow motion speedé, de montage elliptique          digne d'un vidéo techno rave... Et j'ai mal au cœur Madame !
Il faut être totalement lucide, je sais que Hong-Kong a toujours eu un côté bis, et a toujours fait des emprunts un peu partout. L'ironie déconstructive de la Milky Way tombait en pleine mode des polars tarantinesques. Les polars Lam et Woo ont puisé leur inspiration dans les polars US autant que dans Melville. Même les films de sabres Mandarins ont été faits au début pour répondre aux si populaire chambara japonais. Mais ces films, peut-être par manque de compréhension des genres copiés ou à cause d'une trop forte sino-personnalité, finissaient toujours par ne ressembler à rien. Il faut dire que la propension à tout mélanger dans le même film ou celle de faire dans le mélodrame (le genre sûrement le plus populaire en Asie) y était sûrement pour quelque chose. Mais la concurrence US en ce début de millénaire étant jugée trop forte ou déloyale, les producteurs n'ont rien trouvé de mieux que de singer les produits d'outre mer.
Même Tsui          Hark, qui pourtant à ses débuts de jeune homme en colère, avait eu          la bonne idée de puiser autant dans l'occident que dans la culture chinoise          (en fait les thèmes étaient chinois et bien souvent la technique d'inspiration          occidentale) nous donne du "groupe d'intervention". De jeunes          beaux cools (souvent Ekin Cheng, Jordan Chan ou Sam Lee) accompagné de          Cecilia ou de Hsu Chi, sortent de beaux flingues chromés et regardent          des explosions de leur regard hébété dans des montages frénétiques.
Mais comme les gens y vont, ont-ils le choix ? Mon pote Simon aime aller au cinéma. Il ira, que se soit bon ou mauvais. Tiens, ça me fait penser à un slogan publicitaire de quand j'étais petit gars, un slogan pour les saucisses Machin : "Plus de gens en mangent parce qu'elles sont les meilleures, et elles sont les meilleures parce que plus de gens en mangent". Je sais que le cinéma est une industrie. Je sais que le cinéma est un produit. Mais je n'aurais jamais cru que Orson Welles serait un jour du domaine de la saucisse.
Comme dans Comeuppance, une des dernières productions Johnnie To, c'est au public de décider.
Christian D.