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                                     … ou complexe d’infériorité par rapport au monumental Morse, Grand Prix 2009 ?
A l’apparente simplicité de The Water et Dark Ring (hum), Nakata charge  cette fois son histoire de plusieurs couches, de plusieurs histoires  collées qui en font presque, parfois, une sorte d’amas de mini films qui  tenteraient de raccrocher les wagons aux succès horrifiques en vogue.  Serions-nous là face à la manifestation d’un complexe d’infériorité de  l’homme à l’origine d’une date dans le genre – The Ring, qui lui aura  définitivement mis la bague au doigt – et qui se rend soudainement  compte qu’il n’a rien de neuf à proposer dans ses bagages ? On a ainsi  droit à un gros twist, excellemment bien construit, bien amené mais qui a  un voire plusieurs trains de retards par rapport à la concurrence. On y  trouve aussi comme autre wagon dévoyé un gros emprunt avoué au suédois Morse,  grand Prix de Gérardmer en 2009, avec cette même camaraderie contre  nature et ces scènes paisibles dans un parc pour enfants. Un peu trop  compliqué, ce brassage? « Complex » veut dire cela, compliqué, complexe,  en même temps qu’il renvoie au complexe d’immeubles, là où habite notre  héroïne, Asuka, étudiante infirmière. Très jolie, évidemment. Elle y  loge avec sa famille, de l'autre côté du palier l'on trouve un étrange  voisin tandis qu’un petit garçon esseulé traîne dans les parages… A trop  vouloir enrichir son histoire, à juxtaposer plusieurs vignettes en  forme de passages obligés aisément détectables, Nakata se perd un peu  dans les méandres de son complexe de structures narratives qui, tels des  immeubles d’une cité surchargent le décor, la narration. Il complexifie  tout un ensemble de trames qui, elles, sont archi simples, déjà vues.  Et il l'assume, malin, en avouant avoir pondu une sorte de best of de sa  carrière pour les 100 ans de la Nikkatsu. Il s'en sort bien mais on  voit passer la rame. Alors, raté The Complex ? Aucunement. Nakata prend  ses distances d’avec ses œuvres précédentes, manque d’y greffer sa  personnalité - ce qu'il ne souhaite aucunement par ailleurs, il garde sa  mentalité de soldat en se mettant au service d'un quelque chose - mais  ça n’est en rien un échec. On reste dans le cadre de la série B de  qualité emballée avec talent.
                                                            "Non papa. C'est toi qui va aller la ranger, ma chambre..." 
Plusieurs scènes de flippe fonctionnent parfaitement, comme cette lente  visite angoissante de l’appartement voisin, lugubre, ou bien encore tout  le final, dont une séance d’exorcisme local qui, après le démon juif du  Possédée du danois Ole Overdal participe de l’exportation  d’un ésotérisme dépaysant. Il est si réussi, cet exorcisme (sur la  forme ; je vous laisse juges du résultat sur le démon...), qu’on aurait  aimé le voir prolongé, plus montré encore lors du climax à travers cette  médium mémorable qui évoque, elle, la réussite à l’espagnole de L’orphelinat via le personnage de Géraldine Chaplin, ou encore celle, britannique, du très bon La maison des ombres à travers la magnifique Rebecca Hall. La scène renvoie aussi aux excès géniaux de la petite série anime Mononoke,  un modèle actualisé en terme de mise en image – et de scénario - de ce  type de scène. Nakata redevient aussi génie quand il se met à filmer le  banal, le quotidien. On ressent quelque chose quand la jeune Asuka se  promène dans son quartier, un spleen prégnant, on éprouve davantage  encore pendant ses exercices d’infirmière, avec cette crédible tranche  de vie bien documentée, brisée par un effroi glacial très intelligemment  conduit. On retrouve à cet endroit les secrets de la réussite de L’exorciste de Friedkin,  l’approche clinique du documentaire qui précède l’intrusion du  romanesque. On appréciera la discrétion des effets sonores, l’absence de  style m’as-tu vu souvent déballé ailleurs, l’art de l'ellipse, quelques  instants doux bienvenus et un fantôme qui, à moi, m’a donné la chair de  poule. L’horrible vieillard renvoie autant à notre propre mort qu’à la  tronche cauchemardesque de la mère des soupirs chez Argento, ou encore  au final du très bon L’exorciste, la suite, en plus de souligner  un fait de société, la solitude dans les grandes villes et cette mort  d’un oublié qui peut se produire à l’insu de tous. Ce phénomène n'est  pas propre au Japon, il ramène à plusieurs faits divers que nous  connaissons, que nous n’oublions pas parce qu’ils nous ramènent à notre  propre culpabilité collective ainsi qu’à notre hypothétique fin,  pathétique. Nakata fait honneur à sa réputation et frôle là un sujet  cher à Kiyoshi Kurosawa tout en se l’accaparant intelligemment. The  Complex n’aura pas l’impact des deux bombes précitées à cause de tout un  tas de petites choses qui le plombent. J’en ai moi aussi ma claque des  enfants démoniaques, le final ouvert est aussi plaisant qu’il peut  énerver, passer pour une facilité d’écriture, la redite par rapport à  Dark Water, cette poubelle en lieu et place d’un réservoir d’eau, est  particulièrement gênante, les acteurs ne sont pas toujours dans le ton.  Si la pulpeuse Atsuko Maeda, ex idole du groupe AKB48 s’en sort plutôt bien – sans plus –, de son côté Hiroki Narimiya  m’est gentiment sorti par les yeux avec son jeu approximatif et son  physique plus proche de celui d’un gigolo gay que d’un crédible brave  nettoyeur lambda. 
il faut reconnaître que The Complex fut plutôt moyennement aimé des     festivaliers. Je me suis d’abord senti un peu seul à l’avoir apprécié,     me demandant finalement si j’avais été honnête avec moi-même ou si je     m’étais menti pour mieux anticiper l’interview qui allait suivre, que   je   voulais positive. Puis la rencontre de deux spectateurs, plutôt   âgés,   qui ont beaucoup aimé le film, m’a conforté dans ma vision des   choses.   Pas d’effets de style, pas d’exagérations sonores, une   approche honnête   et respectueuse du genre via un premier degré assumé,   des scènes de   terreur pure, quand même, et un scénario qui ne livre   pas toutes ses   clefs, en main ailleurs, cela fait un bien fou.  Roublardise ou pas. Il prendra de la bouteille.
 
 
  
