Amère volupté
« Oki Toshio, écrivain célèbre, entreprend de renouer avec son passé en se rendant à Kyôto pour y écouter, la veille du Jour de l'an, les cloches des monastères qui sonnent le passage d'une année à l'autre. Ce faisant, il espère revoir celle qui fut sa maîtresse plus de vingt années auparavant : Otoko, à présent peintre de renom installée à Kyôto. Otoko vit avec Keiko, une jeune fille d'une saisissante beauté, nature ardente et implacable qui s'emploiera à mener à bien une singulière vengeance, dont l'issue tragique rendra à jamais vaine toute tentative d'Oki pour ressusciter le passé... »
Tel est le thème du dernier roman de Yasunari Kawabata que Masahiro Shinoda adapte en 1965.
D'une fidélité voulue et absolue au livre originel, BEAUTE ET TRISTESSE se présente donc comme un film psychologique particulièrement complexe.
Si la réalisation est académique,et peut rebuter par sa lenteur et le rythme hypnotique de l'ensemble,le propos est passionnant,transposant sur grand écran les thème chers au premier écrivain nippon prix Nobel de littérature en 1968,décédé en 1972(suicide).
Car bien que daté des années 60,et donc peu audacieux côté caméras(tout se passe hors champ),le scénario est gratiné:adultère,lesbiannisme,manipulation amoureuse,vengeance mortelle,les images sont sages,mais le feu couve!On pourrait aussi dire que la manière de Kawabata,maître de l'élipse,est traduite à la perfection sur pellicule.Mais le sujet du film ne se situe pas seulement dans cette fascination pour un érotisme morbide,on retrouve aussi la thématique de la vieillesse,celle de l'écrivain héros principal,projection parfaite de Kawabata,et son corollaire la solitude puis la mort.
Si l'on ajoute la célébration des beautés du Japon traditionnel au travers des jardins de Kyoto et de ses monastères,et une intéressante vision de l'Art et sa conception,on constate la richesse de l'oeuvre et la subtilité à faire cohabiter toutes ces réflexions brillantes.
Si la mise en scène privilégie la sobriété,l'interprétation est toute en retenue,on retrouve So Yamamura,le médecin du VOYAGE A TOKYO de Ozu,et interprète déjà d'une autre adaptation de Kawabata LE GRONDEMENT DE LA MONTAGNE,ici face à la beauté de la jeune Keiko,vraiment déstabilisante.
Huis-clos resséré qui ne fait intervenir qu'un petit nombre de personnages et limite les rôles annexes,cette oeuvre difficile à dissocier de son modèle littéraire tant elle suit sa ligne,s'avère au final d'une rare élégance,pleine de pudeur et de joliesse en apparence,mais pourtantd'une infinie cruauté ,à l'image de son héroine,magnifique fleur vénéneuse au parfum irrésistible...mais mortel.