Ordell Robbie | 0.5 | Chute Libre |
Junta | 3.75 | Promesses tenues. |
jeffy | 2.25 | Long, long |
François | 4.5 | La nouvelle maturité du cinéma de Hong-Kong |
Astec | 3 | Intéressant mais des défauts |
Anel | 4 | |
Alain | 3 |
Avant de visionner Golden Chicken, il faudrait abandonner toute envie de réalisme. Parce que la description du monde de la prostitution dans le film est tout sauf réaliste, on n'y voit jamais jamais de violence de la part des clients ou des souteneurs, bref tout va bien dans le meilleur des mondes. Le choix de coloris kitsch quelque part entre le Almodovar des débuts et le vulgaire classieux d'un Casino ainsi que d'intérieurs dont le mobilier ne dépareillerait pas dans l'appartement de Pierre et Gilles contribuent à déréaliser l'univers du film. Le problème, c'est que le film veut aussi décrire la réalité historique hongkongaise et que du coup l'excuse de la déréalisation ne peut effacer le reproche de vision moralement contestable (le monde réel de la prostitution n'est pas aussi idyllique que dans le film). Malgré tout et même si elle manque de vrais gags (la première passe pas drôle du tout, l'hilarante imitation de Drunken Master par Sandra Ng), cette partie sur l'ascension d'une femme dans la prostitution de luxe se laisse suivre parce que plaisamment kitsch, insouciante avec son petit clin d'oeil aux débuts soap de Chow Yun Fat, sa canto pop plaisamment mielleuse, sa superbe photographie et une mise en scène qui ne sombre que rarement dans le mauvais maniérisme (l'usage assez gratuit de la focale, quelques rares mouvements de caméra trop brusques). Toujours dans la première partie du film, on a la très réussie même si un peu lourde et pas vraiment hilarante scène de la rencontre avec Andy Lau. Durant tout le début du film, la naïveté du ton pose problème au vu du sujet tout en faisant que le film se laisse voir. Et le plaisir de spectateur a de fait un arrière-gout amer devant un spectacle aux visées contestables...
Sauf que durant la seconde partie, le film commence à s'approcher de la mièvrerie de n'importe quelle comédie romantique made in Hollywood avec l'attente du bébé et ses conséquences, les années de masseuse, la crise et la rétrocession, le final du film étant plus proche au rayon conte de Noël de la guimauve que de l'idéalisme d'un Capra. Qui plus est, les passages concernant ses années de masseuse sont peu efficaces d'un point de vue comique (de même d'ailleurs que la scène de l'accouchement) tout en n'ayant pas le kitsch de la première partie pour se laisser suivre. Cette dernière partie est sauvée du désastre total par l'intervention d'un Andy Lau qui donne certes une leçon de vie assez plate mais réussit néanmoins à faire mouche. Parmi les éléments ratés du film, on a aussi les liens qui sont faits entre l'histoire des personnages et la grande histoire au travers de la télévision plus proches du mauvais cinéma commercial us que de la subtilité d'un Jia Zhang Ke. On retrouve là un défaut de certaines productions UFO, à savoir le manque de profondeur du commentaire social, vu que tout ce que le film nous "apprend" est que la crise fait diminuer les revenus des prostituées et de la population hongkongaise tout en faisant augmenter le chômage, que Tien Anmen donne envie à certains Hongkongais de partir à l'étranger avant la rétrocession ou que la chute des cours en Bourse ruine les petits. Quant à l'interprétation de Sandra Ng, si elle est de bon niveau, elle offre peu de vrais moments d'étincelles mis à part le passage Jackie Chan évoqué plus haut.
Au final, le succès de cette comédie du Nouvel An peut se comprendre parce qu'elle touche à la fois la nostalgie de l'avant-rétrocession et lance un message optimiste à un Hong Kong en crise. Néanmoins, le film demeure raté en tant que comédie (il ne fait pas rire), il est moralement contestable dans sa peinture de la prostitution et il n'offre aucun point de vue sur l'histoire de Hong Kong.
Golden Chicken, comédie sociale agréable, est à apprécier avant tout pour la composition de Sandra NG Kwun-Yu ; il est donc clair que les personnes allergiques à cette actrice ou tout simplement n’aimant pas trop son cabotinage ne pourront apprécier le film à sa juste valeur. En plus du numéro de Sandra durant 1h45, l’histoire suivant le témoignage d’une prostituée (Sandra Ng donc) à son compagnon d’infortune (Eric TSANG Chi-Wai, égal à lui-même, c'est à dire excellent) est très bonne et se laisse regarder sans déplaisir malgré quelques longueurs fâcheuses (la rencontre avant l’accouchement par exemple). Le film, à travers le fil conducteur de la vie de cette prostituée permet de retracer 20 ans de l’histoire d’HK, et même si le parallèle est par moment tiré par les cheveux le procédé est intéressant et tout de même bien écrit.
Golden Chicken étant une comédie, la vie des prostitués est bien sûr décrite sur un ton léger, Samson CHIU Leung-Chun ne fait pas du Fruit CHAN Goh et de toute façon ce n’est ce pas ce qu’on lui demande. D’ailleurs les costumes comme la déco, excellents, renforcent le coté too much de l’histoire. Ajoutez à celà un casting bien fourni (Chapman TO Man-Chat en maquereau ringard, Tony LEUNG Ka-Fai en prof vicelard, …) et une réalisation maîtrisée, vous obtenez un bon petit film qui tient toutes ses promesses.
Si pour vous UFO signifie "Bons petits films à scénario" plutôt qu'"Objet Volant Non-Identifié", il y a fort à parier que Golden Chicken sera 1h45 de pur bonheur pour vous. A l'image des produits de feu le studio de Peter Chan, Golden Chicken sait être à la fois drôle et sérieux, soigne son scénario, développe ses personnages, et porte en lui tout l'amour de ses auteurs pour leur culture et leur histoire, tout simplement.
UFO a toujours su porter un regard pertinent sur Hong-Kong, à la fois ironique et nostalgique, jamais pessimiste mais avec les pieds sur terre. La crise culturelle et économique que traverse l'ex-colonie britannique est un support de choix pour ces comédies sociales, véritables divertissements capables d'attirer un public qui cherche tout d'abord à se distraire, mais également films témoins de toute une époque. Autant le dire tout de suite, cette production Applause Picture est une très digne héritière de ce studio et se révèle être tout simplement la meilleure comédie de l'année et un des meilleurs films Hong-Kongais de ces dernières années. Quiconque s'intéresse un minimum à la culture locale ne pourra que tomber sous le charme de ce portrait dense et bien écrit.
Il y a dans cette histoire toute la tendresse et la justesse des productions de cette équipe, tout l'équilibre entre les différents composants qui font les films marquants. On peut reprocher au film quelques longueurs évidemment, son côté un peu décousu avec sa multitude de personnages (mais moins que l'autre comédie marquante de l'année, Just one look), la réalisation assez classique de Samson Chiu (la discrétion a toujours été privilégiée à la frime visuelle dans les production de Peter Chan). Mais le reste se montre d'un niveau très largement au-dessus de la moyenne et parvient à être à la fois hilarant et touchant, sans jamais tomber dans l'abberant ou le ridicule. Bref, l'anti Wong Jing, le divertissement intelligent par définition.
Difficile de ne pas parler de l'exceptionnelle composition de Sandra Ng, véritable tornade qui voit enfin son physique atypique utilisé de manière intelligente, après des années à jouer les moches rigolotes. Ici elle rayonne littéralement dans ce rôle de prostituée au grand coeur, proche des rôles les plus vivants d'une Anita Yuen au sommet de sa carrière (càd dans des productions UFO, comme c'est étonnant...). Bref, c'est l'award de la meilleure actrice assuré, prenons les paris. Non content de présenter la meilleure interprétation de l'année (Sandra en drunken master, c'est énorme), le film se permet d'aligner les seconds rôles marquants, avec un Tony Leung Ka-Fai métamorphosé, un Andy Lau en caméo de luxe, un Eric Tsang qui ne sourit jamais, un Chatman To justifiant sa position de jeune acteur à suivre et beaucoup de visages peu connus mais très convainquants. Le film est rempli de ces petits personnages attachants qui font les films soignés.
Autre qualité du scénario de Matt Chow (déjà auteur de l'énorme Juliet in Love, autre grand rôle de Sandra Ng), le mélange très assumé des genres, avec de la comédie très cantonaise, c'est à dire outrancière (là où UFO préfèrait un humour plus fin), et des moments beaucoup plus adultes et touchants. On ne compte plus les scènes hilarantes (Andy Lau qui apprend à Kam à gémir) comme les scènes touchantes (un numéro de téléphone, ça compte). Enfin et surtout, Golden Chicken s'inscrit dans vingt ans d'histoire de Hong-Kong, montre son amour pour son histoire et sa culture, ainsi que son inquiétude pour la situation actuelle. Mais à la manière d'un Frugal Game (autre comédie sociale intéressante de 2002), il se montre optimiste et a foi en ses personnages, même s'il ne cache rien des difficultés actuelles.
Bref, vous l'aurez compris, à la manière d'un Fruit Chan, Golden Chicken (le personnage comme le film) c'est Hong-Kong. C'est une réponse à ceux qui disent que le cinéma de Hong-Kong est mort. C'est 1h45 d'idées et de talents réunis, c'est à la fois du divertissement bien typique et de la matière à réflexion. C'est la nouvelle maturité d'une culture en crise qui ne peut plus se permettre l'insouciance des années pré-rétrocession. Messieurs les auteurs, les fans vous disent merci.