Manque de grace
Après le semi-comeback de July Rhapsody, Ann Hui confirme avec ce Goddess of Mercy que son talent n'est toujours pas éteint. On trouve meme dans ce film quelques qualités qu'on peine à trouver chez la jeune garde hongkongaise actuelle. Mais certaines limites du film l'empechent d'etre autre chose qu'une oeuvre mineure de la cinéaste. Pourtant, le scénario offrait un de ces portraits de femme qui ont fait ses meilleurs films. Il lui permettait également de revenir à l'univers du polar, genre qu'elle avait déjà abordé avec Zodiac Killers. Tout était donc en place pour une incursion dans le genre moins mineure que ce film-là. Ann Hui parvient de fait à éviter le piège de la surdose de pathos et offre une mise en scène sobre loin de certains travers tape à l'oeil des jeunes cinéastes HK. Le score est également lyrique juste ce qu'il faut sans sombrer dans le pompiérisme. Et on retrouve les qualités de directrice d'acteurs de la cinéaste notamment dans la prestation oscillant entre retenue et intensité jamais forcée de Vicky Zhao. Le gros problème du film est d'avoir choisi Nicholas Tse pour jouer un des personnages clés de l'intrigue. Ann Hui ne réussit pas à le transformer en grand acteur et du coup les scènes où il joue sont les moins inspirées du film. Surtout, vu que tous les passages concernant les rapports Vicky Zhao/Nicholas Tse peinent à émouvoir, comment le face à face final du film peut-il fonctionner? Quant à tous les passages action du film, ils se laissent regarder sans etre filmés de façon renversante. Ils ont au moins le mérite de l'efficacité, chose que n'avaient pas ceux de Zodiac Killers. Et si le portrait de femme qu'offre le scénario est plutot attachant il est loin d'avoir la force de celui d'un Song of the exile par exemple. Il manquait aussi peut etre au au scénario deux éléments qui permettent au talent de la cinéaste de se déployer pleinement: la nostalgie et la question des rapports entre les pays d'Asie du Sud Est. Les liens entre l'héroine et la déesse du titre ne sont de plus pas vraiment exploités par le script.
C'est d'ailleurs l'autre grosse limite du film: son scénario se veut plus ambitieux que le tout-venant HK mais il n'exploite pas assez son potentiel thématique pour convaincre vraiment. D'où au final un film pas déshonorant mais décevant au vu de ce qu'on attend d'une telle cinéaste...
Touchant
Ann Hui s'attaque au polar, sans prétention mais avec ses arguments. Déjà la qualité technique du film saute littéralement aux yeux sans pourtant que perce le moindre effet démonstratif. Photographie, lumière, cadrage, seul le mot maîtrise peut rendre honneur à ce travail. Tout cela au service de quoi? Un destin, celui du personnage interprété par Vicky Zhao. Grace à l'intimité qui se noue entre le spectateur et elle, l'intrigue se développe, inéluctable. Les trois héros masculins viennent graviter autour d'elle pour le meilleur et surtout pour le pire, sans qu'à aucun moment on ne se sente porté à juger l'un ou l'autre des protagoniste. La grande force de l'histoire réside dans cette équilibre entre l'initmité et la distanciation qu'Ann Hui sait maintenir jusqu'à la fin. Il reste possible de reprocher au film son rythme un peu lent, mais ce serait prendre à contre-pied le message qu'Ann Hui veut faire passé et qui n'est pas sans rappeler la thématique d'un film comme Ashes of Time.
13 juillet 2004
par
jeffy
L'histoire touchante d'une femme face à son destin.
Le nouveau film d'Ann Hui On-Wah sort vraiment du lot en comparaison des dernières productions HK. Avec Jade Goddess Of Mercy, nous voila devant un film avec de vrais personnages ayant de réels problèmes et surtout ayant une vraie histoire à raconter.
Le film tourne en fait principalement autour d'un personnage central : Anxin (Vicky Zhao Wei) surnommé (à tort, mais j'y reviendrai...) par son mari "Guanyin", déesse de la miséricorde ou en english : Goddess Of Mercy.
En effet même si le film commence par suivre un autre personnage, c'est pour mieux ramener l'intrigue sur Anxin ("paix" en chinois), par l'intermédiaire de Yangrui : dragueur blasé qui parle pour Ann Hui dans sa première réplique (je pense...) lorsqu'il dit que les femmes chinoises, à force de chirurgie estéthique, finissent par "toutes se ressembler comme des Dolly". Alors, lorsque son ami lui confie avoir repéré une jolie femme échappant à tout ses stéréotypes de coureur de jupons desillusioné, séduire Anxin devient pour lui une véritable raison de vivre, jusqu'au moment où Anxin va finir par se confier à lui sous la forme d'un long flashback, et là commence la deuxième partie du film.
Dans cette seconde partie, on retrouve donc An-Xin dans son village natal : Nande dans le Yunnan, où elle y mène tant bien que mal sa vie de flic des narcotiques en parallèle de sa vie de femme mariée. A un moment son mari Tiejun (soldat d'acier), lui offre un pendentif en jade représentant Guanyin en lui disant : "tu me fais penser à elle". Ce qui est un peu dérangeant car premièrement on se rend compte que le film aurait pu (du ?) gratter un peu plus cette histoire de femme "ordinaire" partageant en réalité le destin de celle qui fut déesse. car cela aurait pu apporter au film une dimension plus spirituelle ce qui est peut-être précisément la raison pour laquelle Ann Hui a evité de s'y risquer ; et deuxièmement, cette courte scène est l'unique chose justifiant le titre du film.
L'idée de placer le film dans le Yunnan "profond" permet un petit voyage culturel en montrant par exemple le festival de l'eau des Dai (ethnies très présente dans le Yunnan) et plus généralement la vie typique d'une petite ville des campagnes chinoises.
On retrouve également dans ce second tiers de l'histoire un Nicholas Tse Tin-Fung à l'aise dans le rôle d'un jeune beau gosse (un peu plus complexe que cela, quand même), qui va se retrouvé mêlé aux deux vies d'Anxin.
Puis, pour la dernière demi-heure, retour au présent où Yangrui va tenter de retrouver celle qu'il aime désormais et où surtout le passé d'Anxin va finir par la rattraper.
Les acteurs sont excellents, spécialement les acteurs chinois comme Chen Jian-Bin (Tiejun) ou Liu Yun-Long (Yangrui), bien que Vicky Zhao soit également très convaincante. Acteurs chinois qui sont décidément à l'honneur ces temps-ci côté sortie HK (Xanda, Life Express, Goddess of Mercy).
Côté réalisation, c'est très retenue : aucun effet tapageur, la caméra se pose là et tourne, on suit discrètement les protagonistes mais on ne s'autorise pas plus.
Quant à la musique, elle accompagne le tout de manière très minimaliste.
En Bref, c'est donc un film très observateur, presque social que nous livre ici Ann Hui. L'histoire d'une femme aimée par trois hommes où passé et présent vont finir par se rejoindre pour lui révéler son destin tragique. Jade Goddess Of Mercy est donc un très beau film, un peu long certes, mais que je conseille vivement.
Sympathy for Mr Vengeance
L'arrivée d'un nouvel Ann Hui est toujours un petit évènement en soi, même si elle ne bénéficie pas de la renommée d'autres réalisateurs importants. Avec Goddess of Mercy, Ann Hui s'inscrit parfaitement dans la mouvance actuelle, à savoir les coproductions Hong-Kong / Chine. Ici la touche mainland est importante, le film étant tourné en Chine, avec une équipe et un casting majoritairement chinois. Le marriage est-il réussi ? Oui, car sans être un Ann Hui majeure, Goddess of Mercy reste un polar campagnard intéressant.
Le début n'est pourtant pas des plus prenants, le rythme est assez lent et les enjeux peu palpitants. Le fond ne rattrape pas forcément la forme, et on se demande un peu où tout cela pourra mener. Le changement de personnage principal déroute un peu, on s'attend à voir le couple vedette dès le départ, alors que le film débute en suivant un personnage secondaire. Le filmé déroute également un peu, le DVD donnant un aspect assez DV au film, alors qu'il a été filmé sur pellicule. Bref, la première demi-heure n'est pas vraiment digne de ce que Ann Hui nous a offert dans le passé.
Heureusement, les deux tiers suivants sont bien plus intéressants, et gagne à la fois en rythme et surtout en dramaturgie. Vicki Zhao Wei se révèle tout à fait convainquante dans son rôle, alors que Nicolas Tse peine un peu à rendre crédible son personnage de trafiquant. Les acteurs chinois sont par contre comme souvent très crédibles, et la musique également de bon niveau. La réalisation d'Ann Hui gagne également en efficacité, même si cet aspect "image numérique" peine un peu à convaincre.
Bien sûr, on est loin des chefs d'oeuvre de la réalisatrice, mais à l'image de Zodiac Killers, son incursion dans le domaine du polar donne naissance à un film touchant et humain, où le fond et la forme s'équilibrent assez harmonieusement. Aucun des deux aspects n'est vraiment mémorable, mais on tient là autre chose qu'un exercice de style visuel sans fond ou qu'un discours philosophique barbant. Bien sûr, on aurait pu espérer que l'analogie entre le personnage de Vicky et la fameuse "Goddess of Mercy" allait donner naissance à un film plus spirituel. On en reste donc à un niveau assez superficiel, mais il n'est jamais évident de prédire la fin du film, et le destin de cette jeune policière est véritablement touchant. Deux points rarement évidents dans le cinéma actuel.
The God-father
Sur le coup, "Goddess of mercy" est un sacré bon polar, qui tient en haleine du début jusqu'à la fin…mais à y réfléchir après coup et à retracer son histoire sur papier, on se retrouverait presque avec un mauvais roman de gare, genre la série des "Arlequin" mâtiné à OSS 117.
C'est sans compter sur la vraie sensibilité d'Ann Hui, qui réussit toute touche de pathos et de mélodrame et va jusqu'au bout de cette terrible historie de vengeance.
L'histoire lui permet – une fois de plus – de construire ses personnages en dévoilant petit à petit leur passé (racines) et les conséquences qu'auront les actes du passé sur le présent; c'est évidemment d'autant plus troublant dans une histoire aussi abracadabrante, que celle-ci, mais qui en donne pour leur argent aux spectateurs.
On ne pourra tout de même pas m'enlever cette désagréable sensation de "surfait" d'une intrigue trop tirée par les cheveux, réalisée par une femme, qui ne sera jamais aussi bonne que lorsqu'elle raconte des petites histoires de gens ordinaires de façon semi-documentariste dans les quartiers hongkongais, qu'elle affectionne. Un peu, comme si l'on avait demandé à Truffaut de réaliser un "Die Hard 4" en se tenant strictement au cahier de charges…Ou de faire chanter à Vincent Delerm du AC/DC…Le résultat aurait été intéressant, certainement pas réussi, mais n'aura pas entièrement fait justice à l'univers même de l'artiste.
D'un autre côté, pas sûr, que le résultat aurait été aussi convaincant entre les mains d'un réalisateur moins sensible (voir le ratage de Derek Yee sur "Protégé", alors qu'il y avait entière matière de faire un film bien plus approfondi).