Locataire
Fils de Imamura Shohei dont il écrivit le scénario d'une partie de ses films (L'Anguille entre autre) et scénariste chez Miike Takashi (Audition), Tengan Daisuke fait ses marques en tant que scénariste sous la houlette de HAYASHI Kaizo avec The Most Terrible Time in my Life, lettre d'amour aux yakuza eiga des sixties. Recommandé par d'importants cinéastes, il se livre ceci dit timidement à la réalisation et revient quatre ans après Aiki à un genre qu'il connaît sur le bout des doigts : le drame. Waiting in the dark est donc sa dernière réalisation à ce jour, adaptation du roman de Otsuichi, objet intéressant en bien des aspects même si bâclé, dont le sujet est non sans rappeler à des degrés bien différents le cinéma de Kim Ki-Duk. Passons cette drôle d'impression, pas si justifiée que ça mais une impression reste une impression, pour davantage s'attarder sur l'oeuvre en question. Michiru est donc une jeune femme orpheline de son père depuis peu, soutenue par son amie Kazue dans les moments les plus durs. Dans cette même ville, un sino-japonais du nom de Akihiro bosse dans une entreprise d'imprimerie et subit le harcèlement moral de ses collèges et patron. Mentalement et physiquement diminué, Akihiro se retrouve alors confronté à une affaire de meurtre puisque son même patron vient d'être retrouvé écrasé sur les rails en sa présence. Un contrôleur est persuadé de sa culpabilité et en informe alors la presse. Michiru de son côté ne sort plus de chez elle et ne semble plus prendre goût à la vie, passant son temps à dormir ou à écouter la télévision. Un beau jour elle reçoit la visite de Akihiro, bien décidé à camper chez elle, en fuite depuis son accusation.
Tengan Daisuke piège son monde avec Waiting in the dark, oeuvre cinématographique qui se cherche et qui au final a bien du mal à se trouver, oscillant trop entre le mélodrame nippon contemplatif (photographie douce, plans fixes, musique au piano) et le polar (une affaire de meurtre sans explications). Tout juste est-il aussi possible de sentir les clichés du cinéma d'épouvante lorsque Michiru se doute d'une présence dans son appartement, la caméra la suivant de dos, sous une musique inquiétante. Au-delà de ses quelques menus défauts pourtant non négligeables au vu du pitch suffisamment fragile d'entrée, Waiting in the dark fonctionne bien pendant une première heure, le cinéaste prenant le soin de tisser les portraits un à un pour éviter de tomber dans le trop plein d'informations. L'action est absente, le rythme résolument faible, mais l'on éprouve un certain intérêt à découvrir ces personnages pas très commodes : la jeune et talentueuse Tanaka Rena convainc dans la peau d'une aveugle touchée par le décès de son père, reprenant ses habitudes comme si de rien n'était (elle allume les pièces et n'oublie pas de les éteindre en souhaitant la bonne nuit), incapable de franchir le cap de son handicap en dépassant le seuil de sa maison, sans cesse aidée par Kazue. De l'autre côté, Wilson Chen encaisse les moqueries racistes de ses collègues nippons (comme quoi subsiste toujours cette "tension" entre les deux communautés) et n'oublient pas de lui rappeler qu'un résident japonais doit apprendre les us et coutumes d'un japonais, c'est comme ça et puis c'est tout. Une prestation de bonne facture, loin du personnage coloré qu'il entretenait dans A Chinese Tall Story un an plus tôt.
En revanche, la trame empruntée par Waiting in the dark est étrange. Le manque de cohérence tranche avec la sincérité des protagonistes, de l'univers, puisqu'on se demande encore ce que vient faire cette satanée enquête policière complètement bâclée. Si les prémices de l'enquête soutiennent un certain suspense, la conclusion s'avère proprement honteuse, dépassant aucunement les frontières d'un scénario prétexte de drama niveau série télé pour mamies. Laissons de côté les explications du meurtre du patron Matsuyama, on n'en saura pas plus. Waiting in the dark n'a donc d'intérêt uniquement au niveau des rapports entretenus par Michiru et Akihiro dans de bons moments de cinéma : la mise en scène toute en douceur ne se casse la figure qu'à de très rares moments, notamment lorsque l'on voit Matsuyama se faire écraser par le train, complaisante et visuellement ratée. On se demande encore l'intérêt d'une telle séquence que l'on verra deux fois sous le même angle. Cette "médiocrité" gratuite prouve que Tengan Daisuke en est encore à ses débuts, seize ans après Asian Beat : I love nippon. Il n'y a pas non plus de grosses surprises au niveau de la romance bien que certaines séquences demeurent surprenantes, malgré quelques énormes facilités et flash-back peu justifiés, surtout lorsque Michiru tente de sortir seule, dehors, et se confronte à une ribambelle d'obstacles en tout genre (automobilistes nerveux, passants en vélo, comme si tout était fait exprès).
Sans faire montre de qualités redoutables et d'un propos qui tient la route, Waiting in the dark reste un petit film sans trop de moyens, agréable le temps d'une soirée, dans la moyenne des comédies dramatiques mal scénarisées, mais suffisamment bien jouée pour capter l'attention malgré les énormités. On attend un réalisateur/scénariste plus impliqué pour la prochaine.