Ordell Robbie | 2.75 | Déjà singulier mais manquant de mordant |
Yann K | 3.5 | Etrange scénario, parfois drôle et personnages très attachants |
Alain | 1 | Le film "assomoir" par excellence |
Bien moins réussi que son succès suivant, ce premier Bong Joon Ho a au moins le mérite de montrer que ses qualités de cinéaste n'ont pas surgi de façon miraculeuse lors de son deuxième essai. On retrouve ainsi son art du plan séquence et une certaine lenteur dans le montage incarnant cette fois un autre enlisement que celui du quotidien d'une vie villageoise coréenne, celui d'une banlieue de Séoul. Si ces parti pris formels fonctionneront bien dans son film suivant en évitant au ridicule de certaines situations de le faire sombrer dans le polar parodique, ce n'est pas le cas ici (les acteurs sont juste corrects) où ils contrecarrent dès lors trop bien le grotesque de situations potentiellement comiques au point de tuer complètement leur drôlerie. Du coup, on ne rit pas face à des situations pourtant potentiellement porteuses d'humour noir ou absurde: SPOILERS les radis qu'une habitante laisse reposer sur un toit, Lee Sung Jae planqué dans une armoire effrayé par l'arrivée d'un homme armé de couteau, le même déroulant sur le pavé un rouleau de papier WC pour prouver à sa femme que le magasin où elle veut qu'il aille est bien à 100 mètres, la parodie de course poursuite dans les couloirs filmée au ralenti, la fausse joie d'une femme suite à un canular téléphonique l'invitant à un Avis de Recherche local, la peur panique d'un personnage venant de voir avec ses jumelles le "meurtre" d'un chien comme si elle venait d'assister à un vrai meurtre... FIN SPOILERS
D'où un film en forme de comédie noire sur le papier mais incapable d'atteindre la jubilation dans la cruauté des meilleurs représentants anglais du genre. Du coup, il devient un des film qui réussissent bien l'annexe -le commentaire social ici bien plus profond que dans le bon The Foul King- en ratant le principal -l'efficacité comique-. Dommage parce que cet annexe confirme la singularité de Bong Joon Ho dans le paysage actuel du cinéma commercial coréen. Bien loin des figures de macho bourru qu'on y voit souvent, Lee Sung Jae incarne ici une figure de loser pathétique, un homme faible et peureux (il n'arrive pas pendant une bonne partie du film à exprimer sa frustration de chômeur autrement qu'en s'en prenant aux chiens), un personnage qui s'en trouve réduit à vivre au crochet de sa femme plus âgée que lui, cette dernière ne se privant pas de lui dire ses quatre vérités et d'essayer de se faire respecter.
Une des caractéristiques du film est d'ailleurs ses personnages féminins au tempérament indéniable (Bae Doo Na en est une autre dans le film) bien loin là encore des figures féminines plus classiques souvent vues dans le cinéma coréen actuel. Bong Joon Ho offre également des observations bien senties sur le désir de célébrité des habitants d'une petite banlieue coréenne, leur soif d'argent facile, l'ennui d'une vie tiraillée entre intimité morne, transports en commun et monde du travail, les figures en marge de cette société et l'incapacité des habitants à respecter les lois sans faire des personnages des pantins de sa vision de la Corée contemporaine. Le score entre jazz et parodie cheap de Bernard Herrmann apporte lui de légers décélages à certaines scènes du film sans pour autant arracher plus qu'un sourire. SPOILERS Le film se trouve enfin lorsqu'il accélère un peu le rythme lors de la "spectaculaire" découverte du chien disparu. Le seul problème, c'est qu'après cette scène le film tente de façon très artificielle de faire se rejoindre les destins de Bae Doo Na et Lee Sung Jae à coup d'un optimisme faisant pièce rapportée au vu du constat précédent, comme s'il fallait absolument un happy end pour dire qu'on peut trouver un peu de lumière au milieu de cette société-là. FIN SPOILERS
Au final, s'il reste un projet de cinéma singulier, le film déçoit. Mais sa découverte confirme Bong Joon Ho comme une personnalité à part dans le cinéma coréen actuel dont on jugera sur la durée s'il tient ses belles promesses.
Avec Barking Dogs Never Bite, on comprend vite que même en s'intéressant à la cinématographie asiatique, il y'a quand même de grands fossés culturels entre les sociétés occidentales et orientales(mais celà est aussi valable au sein même des sociétés occidentales: montrer C'est arrivé près de chez vous à un québecquois et il ne l'appréciera sûrement pas autant qu'un belge de pure souche) et donc avec ce film, on tombe sur un os de taille parce que c'est comme une sorte de satire des coréens et de leur mode de vie mais quand on n'y connaît rien, on ne peut qu'être dubitatif devant les réelles qualités du film.
Maintenant, pour ce qu'on peut en saisir, le film montre nos deux personnages qui se retrouvent cantonnés à un niveau social assez bas, dans une logique une logique où ça revient à "métro-boulot-dodo-et-fermes-ta-gueule" et on voit travers le film comment chacun de ces deux persos essayent de s'extirper de ce fatalisme. Lee Seong-Jae choisit la voie de la rebellion en s'attaquant aux chiens, une façon pour lui de se libérer du joug de sa femme et de son statut de chômeur. Quant à Bae Doo-Na, sa vie est tellement ennuyeuse et cloisonnée que quand elle voit le reportage à la télé sur l'employé de banque qui se défend contre les malfrats, elle se dit qu'elle pourrait aussi devenir une héroïne locale en sauvant les chiens. En fait, ces deux persos prennent des chemins opposés tout en ayant le même but: ce fait est d'ailleur confirmer vers la fin, quand le film s'attache à faire se rencontrer ses deux personnages plutôt qu'à les opposer, les réunnissant tous les deux dans un même espoir d'une vie meilleure. Mais bon, tout celà serait bien beau si ce n'était pas une comédie mais hélas, c'en est une et je pense qu'il y'a rien de plus agaçant qu'un film de ce genre qui n'arrive pas à nous faire décrocher le moindre sourire, ça finit par être deux heures de souffrance plus qu'autre chose. Il faut dire aussi que son rythme hyper-lent n'arrange pas les choses. Deux points positifs: la présence de Bae Doo-Na qui possède un minimum de charisme que pour rehausser l'intérêt des scènes(on ne peut pas en dire de même de Lee Seong-Jae qui signe là une véritable contre-performance) et la musique très jazzy(hormis la chanson de fin qui a le mérite de réveiller le spectateur qui se serait laissé tomber dans les bras de Morphée).
Enfin bon, ce film reste quand même pour moi l'un des films les plus pénibles et ennuyeux qu'il m'ait été donné de voir et à moins d'être un vrai korean-addict, je ne saurais que trop le déconseiller.