Bien que je n'ai toujours pas lu ou vu la série Death Note, il ne m'en faut pas plus pour remarquer d'entrée de jeu qu'il n'est pas digne d'intérêt. Si on sait déjà par le postulat de départ qu'on ne va pas suivre la trame principale, il faudrait rajouter qu'il n'en respecte même pas l'ambiance ou les personnages. On a alors droit à une histoire assez bête vue beaucoup trop souvent, digne des dramas asiatiques (et je pèse mes mots), des personnages secondaires stupides, des effets spéciaux grossiers...
Qu'est-ce qu'est venu faire Nakata dans un bourbier pareil?!?
Attendu par un cercle très fermé (c'est à dire uniquement les fans), L Change the World est la première vraie rupture -sur le papier- avec le manga original. Autant l'on pouvait comprendre l'intérêt de Kaneko Shusuke de garder intact les personnages du manga pour palier à son absence de talent de metteur en scène, autant Nakata Hideo s'atèle ici à garder uniquement L, logique si l'on suit la continuité de The Last Name. Le gros souci de cet espèce de spin-off c'est qu'il plombe la franchise originale en laissant l'esprit de côté, dans l'optique de virer vers une simple enquête policière sous fond de virus qui menace l'humanité, normal lorsque ses créateurs ont pensé avant tout à la planète : leur but est d'éradiquer la race humaine inutile qui s'accroit de plus en plus. Halte à la surpopulation qui entraîne le réchauffement planétaire, halte à ceux qui souillent nos eaux. Une affaire d'état? Non, juste une expérience de commerciaux peu scrupuleux. Le film commence déjà mal en cautionnant ce genre de discours, comme s'il fallait éradiquer une partie de la population pour rétablir une la stabilité de l'environnement, en plus de ne pas avoir de sens cela pourrait donner de sales idées aux plus influençables de ses spectateurs, ce L Change the World est à la fois irresponsable et rate à peu près tout ce qu'il entreprend. L'inégalité du rythme est encore une des grandes marques de fabriques de la saga, dont les rares séquences intenses (le mot est grand, on y reviendra) sont ponctuées par des dialogues insipides faisant la part belle aux déductions une fois de plus imaginées à la va-vite (la séquence où la scientifique corrompue gribouille des chiffres sur une page pour finalement déduire qu'un certain Watari est lié à son affaire témoigne d'une profonde débilité). Mais le plus rageant réside aussi dans l'inégalité de son traitement, Nakata ne sachant plus où donner de la tête au bout de cinq minutes de film, décide de passer la seconde en plombant l'esprit "fantastique" de la saga par la suppression pure et simple du livre de la mort et de son dieu, et par l'introduction de la thématique du virus qui donne lieu à des moments de cinéma que l'on croyait disparus depuis le "classique" d'Herman Yau, Ebola Syndrome. Nakata se complait dans une surenchère grotesque de violence visuelle lors d'une séquence de test du virus dans un village perdu de Thaïlande qui n'a réellement rien d'efficace : les maquillages sont grossiers, l'interprétation des villageois en rajoute une couche dans l'agonie pas crédible et la caméra alors sur épaule donne la désagréable impression d'être devant un film amateur. Si les séquences gores ponctuent le film de manière assez régulière, encore plus en fin de métrage, elles insufflent au film un esprit bis bidonnant car faisant clairement penser à ce que les réalisateurs français et transalpins faisaient de mieux dans le film de genre durant les années 70 et 80, évidemment dans le domaine du film de contamination ou de zombies à tendance nanar.
Le manque de talent, d'inspiration et de renouvellement y sont sûrement pour quelque chose dans la mesure où la séquence finale à bord de l'avion renvoie à ces palanquées de films catastrophes lorgnant du côté du fantastique qui pullulent sur nos écrans de télé en seconde partie de soirée. Mais ce qui chagrine davantage avec L Change the World, c'est l'inexistence de quelconque direction artistique, les lieux et les décors n'ayant aucune cohérence entre eux, tous plus clichés les uns que les autres dans le genre (une jungle, un burreau secret, un laboratoire...), décrédibilisant encore plus l'univers estampillé Death Note que l'on ne retrouve évidemment pas ici. Enlevez L et vous obtenez un simple film catastrophe sans la moindre identité visuelle ou thématique : les personnages semblent être tous vidés de leur substance, les seconds rôles alignent les gaffes avec un humour involontaire (l'agent du F.B.I qui parcourt les rues de la ville à bord de sa camionnette à crêpes, les bad guys qui cabotinent...) ou alors disparaissent sans la moindre pitié (le docteur Matsudo agonisant comme c'est pas possible devant les yeux de sa fille, rayon complaisance on attend des sommets). Nakata ne s'est visiblement pas préoccupé de la franchise et réalise l'exemple même d'une oeuvre de commande simplement ratée. Mais étrangement, la déception est bien moins grande que celle d'un Death Note, sans doute parce que les ingrédients de la saga ne sont pas massacrés par un tâcheron tout simplement parce qu'ils sont ici absents (pas bête!) et parce que l'histoire se suit malgré tout. L'idée du contre-la-montre est appréciable et participe au changement de comportement de L, ce dernier oubliant ses manies d'attardé pour devenir sans doute plus humain avec ceux qu'il protège, les deux séquences où il se force à se redresser témoignent de son envie de changer. Malgré tout il faudra faire avec sa gestuelle pathétique, imbuvable pour toute personne ne se sentant pas concerné par le culte voué au manga et à la série. Grand gagnant de la catégorie néo-nanar nippon bien mis en avant par la Warner (jamais bien loin lorsqu'il est question de faire du pognon avec n'importe quelle franchise à succès), L Change the World est un "nom" qui cache un gros nanar d'exploitation. Une chose est sûre, Nakata a peut être les clés pour changer le monde, mais il ne sauvera pas le cinéma.
Le cinéma est avant tout une historie de gros sous; la meilleure preuve en date restera sans aucun doute ce "spin-off" écrit à la va-vite suite à l'incroyable succès des deux premiers "Death Note" et se focalisant sur les 23 derniers jours de "L". A la réalisation, un Nakata Hideo cherchant toujours une réhabilitation au sein du cinéma japonais après son excursion hollywoodienne, qui l'a pas mal dégoûtée (il en a même tiré un documentaire intitulé "A filmaker's guide to survive in Hollywood"), mais qui ne le dissuade pas à revenir pour tenter de mettre en route des nouveaux projets. Là encore, une histoire de sous apparemment.
En attendant, il torche donc sans grand plaisir ce "L". Si le scénario est tout simplement catastrophique et n'entretient plus aucun lien avec la saga "Death Note" en-dehors du personnage de "L", la réalisation ne lui rend pas plus justice avec quelques gros, gros, gros moments de comique involontaire, comme ces personnes infestées du virus et mourrant de manière plus ridicule encore que dans le "Lifeforce" de Tobe Hopper ou L se prenant pour James Bond en sautant sur un avion en plein décollage.
Les 130 minutes s'étirent péniblement en longueur avant un dénouement à l'image du reste du film: navrant.
Le pire, c'est que malgré toute la bonne volonté des scénaristes à vouloir tuer à tout prix une poule aux œufs d'or, (je n'ai pas d'autre explication sinon), il risque d'y avoir une suite à ces aventures, comme indiqué par la phrase finale de "L". Où comment Nakata réussit à ressusciter l'horreur en une simple phrase…Trop fort !