drélium | 4 | Histoires fantastiques à la Shaw Brothers. |
Conte 1 de Chu Yuan (55 mins) : la maison hantée Note : 4.5
Un couple fraîchement marié emménage dans une belle maison en campagne. Dès leur arrivée Yali (Ching Li) voit des choses étranges et surnaturelles à l'intérieur de la maison mais aussi chez les voisins.
Ambiance totalement surréaliste pour ce conte réalisé par un Chu Yuan inspiré. Ching Li prouve une nouvelle fois qu'elle est l'une des toutes meilleures actrices de la Shaw en offrant un jeu subtile qui l'éloigne de la caricature et de la théâtralité généralement trop appuyée des femmes de la firme. La durée relativement courte de ce conte qui aurait pu faire un film entier lui confère un rythme endiablé où Ching Li est promptement prise d'assauts par des visions étranges, des voisins qui dorment le jour et partent au travail la nuit, leurs poules qui suivent le même rythme inversée, des voix d'enfants qui hantent la maison, un mystérieux homme défiguré qui surgit en lui demandant son oeil, des objets qui s'animent, un couple étrange voir menaçant et j'en passe.
Remarquable en tout point, ce premier conte parvient à nous perdre complètement dans une ambiance de plus en plus surnaturelle où chaque objet et chaque protagoniste semblent tout droit sortir de "La quatrième dimension" dont l'histoire s'inspire fortement des twists alambiqués, alors que Ching Li perdue au milieu a de quoi devenir folle. Sous des apparences trompeuses à la manière des grands Wu xia labyrinthiques du maître, Chu Yuan tisse une histoire finalement simple et cohérente dans des décors toujours aussi foisonnant. Fragrance d'une maison typée 70's déjà folle dans sa seule architecture intérieure, composition du plan millimétrée, ambiance fantomatique colorée à la Heaven and Hell en beaucoup moins bis, Chu Yuan nous emporte dans cette histoire de couples revenants qui puise aussi bien dans le cinéma américain que dans la magie chinoise et présente un des premiers grand Fatsi du cinéma HK en la personne de Yeung Chi Hing, moine magicien Taoïste garant de l'équilibre entre le réel et le surnaturel. Tous les acteurs y sont convaincants en particulier Ching Li évidemment, mais aussi la toujours aussi troublante Lin Chen Chi décidément parfaite en vecteur de mystère. Une petite merveille pour ce que j'en dis qui parvient même à donner des frissons.
Conte 2 (35 mins) de Mo Tun Fei : L'esprit du renard Note : 3.5
L'esprit du renard qui communique par le biais d'une tasse de thé placée sur une carte des signes chinois permet à un pauvre gardien d'immeuble (Chan Shen) de gagner une fortune à la loterie à condition qu'il reste dès lors chaste, qu'il ne joue plus et qu'il ne tue pas.
Changement de ton radical avec l'un des réalisateurs les plus irrespectueux du cinéma HK, Tun Fei Mo, réalisateur de Lost Souls et de Camp 731. Ce petit conte débraillé n'a plus rien de la subtilité du Chu Yuan précédent. Juste après son rôle de tortionnaire dans Lost Souls, Chan Shen enchaîne avec ce petit court et montre qu'il est bien l'un des premiers acteurs à se vautrer dans le scabreux et à montrer la voie des futurs Cat III. Aidé par un esprit fantomatique, il gagne à la loterie et s'offre tout ce qu'il n'a jamais osé rêver. Grâce à l'argent qui lui ouvre toutes les portes de la liberté en un clin d'oeil, il se branche notamment toutes les filles de l'immeuble qu'il convoitait jusqu'aux excès les plus fantasques qui rappellent lors de deux scènes chaudes en particulier l'exploitation japonaise voisine tant dans le concept que dans la réalisation. Une scène en particulier où il s'agit pour une locataire entièrement nue de ramasser des billets sur une table mouillée en utilisant sa seule poitrine opulente donne dans le vulgaire affirmé cher au réalisateur tout en y ajoutant une petite composition esthétique à dénoter. Un plan vu du dessous de la table transparente et quelques pétales de rose résonnent fortement avec les codes esthétiques du pinky violence. Au bout de sa folle course à la liberté, Chan Shen termine par jouer sa fortune afin d'acquérir son plus grand coup de foudre, une étrange adolescente collectionneuse de poupée.
Déluré, foumoilà et violent ce petit conte sans grande envergure se termine par une scène gore absolument incroyable qui risque bien d'en scotcher plus d'un à son siège.
Au final, Haunted Tales est un énorme coup de coeur sorti de nul part et immédiatement culte. Même si le conte de Tun Fei Mo ne constitue qu'un petit dessert comparé au conte de Chu Yuan bien plus long et consistant, les deux réalisateurs apportent leur touche personnelle diamétralement opposée, l'un par le mystère et la composition du cadre foisonnante et surréaliste, l'autre par l'excès dont il raffole, autant du côté sexualité débraillée que de la scène choc par excellence qui fera toute sa réputation.