Boulot, rétro, dodo
Après une belle année passée chez TVB à se faire ses premières armes sur les séries "Dragon, Tiger, Panther" et "CID", Ann Hui accepte de travailler pour l'organisme gouvernemental ICAC (Independant Commission Against Corruption). Un boulot plus restreint artistiquement (l'office venait d'être créé par l'Etat pour lutter contre les affaires de corruption et sensibiliser l'opinion publique contre ce véritable fléau criminel par cette série de films spécialement conçues pour la télévision sous contrôle du gouvernement), mais qui lui permet de gagner beaucoup plus et d'assumer ainsi les revenus financiers de sa famille suite au décès prématuré de son père.
Hui n'en a pas pour autant renoncé à sa propre démarche artistique en s'intéressant finalement davantage aux drames humains et aux conséquences, qu'au travail à proprement parler des hommes de l'ICAC; deux épisodes ("A man" et "Investigation") ont d'ailleurs été interdits pendant plus de 20 ans pour cause de traitement de corruption au sein même des forces de l'ordre et c'est d'un commun accord, que Hui quitte la série au bout de seulement six épisodes pour aller rejoindre la RTHK et singer trois épisodes de l'excellente série "Below the lion rock".
Après plusieurs intrigues, qui s'écartaient grandement de la volonté du vrai ICAC de montrer le travail exemplaire réalisé par les agents de l'organisation, Ann Hui obéit donc à ses supérieurs en s'intéressant directement à l'un des agents. Elle choisit ainsi de dresser le portrait de May Cheng, une femme n'ayant aucune expérience du travail policier, mais qui est employée sur son seul bagout lors de son entretien d'embauche. Ce caractère féminin fort en gueule permet également de peser le pour et le contre de son travail, remettant constamment en question les façons de faire et la raison d'être même de l'agence – un nouvel épisode, qui n'a pas dû plaire beaucoup aux commanditaires de Hui.
Pourtant, "Black & White" (comme son titre l'indique) permet de donner un vrai aperçu du travail au quotidien des agents de l'ICAC au contact d'individus corrompus et aux méthodes parfois musclées pour arriver à démêler le vrai et le faux. Davantage encore, que les méthodes d'investigation, Hui s'interroge sur les conséquences du travail de l'ICAC sur la vie des personnes condamnées avec – parfois – la prie des issues: le suicide même des hommes attrapées, incapables de confronter la réalité et de répondre publiquement de leurs actes.
La fin hyper abrupte est ainsi à la parfaite image du travail dans l'entier: mi-figue, mi-raisin avec un chacun de se faire sa propre opinion.