Efficace et virtuose
Dès les premières minutes, lors de la disparition, on sent quelque chose de bizarre. Quelque chose cloche et on ne sait pas quoi. Dès l'intervention des policiers avec leurs dispositifs d'écoute, leurs conseils et compagnie, on a l'impression d'assister à un remake basique de Entre le ciel et l'enfer. Puis, tout bascule. Tout est chamboulé. Très vite la construction narrative s'avère au moins aussi frappée que le fameux Memento. Le spectateur a donc vite intérêt à repositionner ses repères pour ne pas être totalement perdu.
D'une banale histoire d'enlèvement de départ, vue et archi-revue, le récit vire non pas à un exercice de style - ce serait trop simple -, mais plutôt à un puzzle monstrueusement pervers et surtout terriblement bien pensé. Ring du même Hideo Nakata suggérait une terreur tangible avec des effets intangibles. Chaos prend le contre-pied et avec une construction cinématographique parfaitement maîtrisée et totalement tangible et matérielle, enrichit un matériau de base qui sur le papier ne devait pas présager ce tour de force final. Et c'est là toute la spécificité d'un auteur : transcender le travail fait en amont et en livrer une version hautement personnelle.
Des trois personnages principaux, qui est le plus pervers ? Interprétés par des acteurs particulièrement bien dirigés, ce ballet morbide n'a de cesse d'interpeler le spectateur d'une manière plus roublarde et subtile que ne peuvent le faire les thrillers occidentaux contemporains. Même le Memento de Chris Nolan auquel il est souvent comparé ne va pas aussi loin dans la construction/déconstruction. D'une part il suffit de le regarder à l'envers pour voir un film "normal", d'autre part, il est surtout vu du point de vue d'un personnage. Ici, tout est démultiplié, tout est si fortement imbriqué qu'il faudrait remonter entièrement le film, voire retourner des séquences entières pour avoir un yes-man-movie (ie un film de John Woo). De plus, tout n'est pas dit et une part importante du récit est à deviner voire ressentir : sans tomber dans les astuces amusantes et repiquées à la Tell me something, Hideo Nakata appuie les poses et les regards à travers une réalisation formelle aux premiers abords très neutre et anti-personnelle (voire téléfilm) mais finalement efficacement adaptée et d'une perversité absolue.
N'oublions pas le travail monumental de Kawai Kenji (pléonasme) qui joue ici un rôle illustratif très efficace même si moins marqué que dans d'autres métrages. Parfaitement malsain, ce chaos est donc autrement plus destructeur que celui de Coline Serreau (rien à voir mais bon...) mais surtout, il confirme la puissance du tandem Hideo Nakata/Kenji Kawai. Contrairement à d'autres équipes (expatriées pour la plupart), on peut raisonnablement penser que le meilleur est loin d'être derrière eux mais est surtout à venir. Rassurant et excitant.
La confirmation d'un (petit) talent d'artisan de la série B
Chaos commence plutot bien, pas aussi bien que Ring, mais en se distinguant du tout-venant de la série B. Suite à un travelling virtuose dans un restaurant se posant sur un couple qui semble s’ennuyer, le film bifurque sur une annonce de kidnapping avec chantage téléphonique évoquant sur un mode mineur Entre le ciel et l'enfer(parce qu’ici on est dans un cinéma purement narratif qui ne débouche pas sur une description du monde de l’entreprise japonaise comme chez l’Empereur du cinéma mondial). On retrouve également l’art des plans contemplatifs et le travail sonore bien exécuté de Ring et un score de Kawai Kenji oeuvrant cette fois-çi dans les synthés atmosphériques avec une rythmique judicieuse. SPOILERS Le seul hic est que la pseudo-révélation rapide des responsables du complot nuit à la dramatisation du récit ce qui fait que l’on a un moment de flottement du récit. FIN SPOILERS Surtout, Ring réussissait au moins à effrayer dès son début ce qui n’est pas le cas ici.
Mais à la quarantième minute, un coup de théâtre va faire basculer le film. SPOILERS Un des comploteurs va voir dans la rue un visage lui rappelant la défunte kidnappée. FIN SPOILERS Le film va suivre des sentiers agréablement hitchcockiens qui confirme ce que Ring laissait à penser : Nakata Hideo est un bon artisan classique de la série B qui n’a pas inventé la poudre mais sait bien réutiliser de vieilles recettes pour captiver le spectateur. Le film bascule dans un fascinant chassé-croisé entre le comploteur, celle qu’il recherche et les détectives. SPOILERS Les retournements se multiplient, font repartir le récit à zéro, achèvent de nous convaincre qu’il n’y a ni good guy ni bad guy dans le film, et font l’effet d’une bombe à chaque fois pour le spectateur. FIN SPOILERS Les scènes de nuit sont portées par une magnifique photographie bleue-verte. Hagiwara Masato excelle en comploteur se retournant contre ses patrons et Nakatani Miki en femme manipulatrice. Chaos devient véritablement flippant et captivant, les scènes un peu longuettes du début prennent alors tout leur sens : il s’agissait de prendre son temps pour exposer les personnages et leur caractères, afin que la véritable action soit ressentie de façon d’autant plus intense ensuite. Nakata se permet même des effets de signature à la Ring (les coups de fil flippants) déjà vus mais toujours aussi efficaces.
Chaos confirme le talent de Nakata et prouve qu’alors que les médiocres copies carbone de Ring pullullent sur les écrans nippons il est déjà ailleurs. Dans un cinéma japonais où les révélations sont plus nombreuses qu’à Hong Kong mais où elles n’arrivent pas toujours à confirmer, Chaos est une assez bonne nouvelle.
baisse de régime pour Hideo
Très loin d'égaler la force naratrice et visuelle de "Ring" et "Dark Water" , ce "Chaos" là demande de la volonté pour être visionné jusqu'à son terme. L'enemble est assez flou et très moyennement intéressant. Attention, ce n'est pas un mauvais film, mais le réalisateur virtuose nous a habitué à un niveau nettement supérieur et on est en droit d'être un peu plus exigeant avec lui qu'avec d'autres.
Rappelons que contrairement à "Ring" et "Dark Water", "Chaos" ne comprend aucune scène "flippante", le but n'est pas là. C'est un thriller assez classique.
Deconstructing Saori
Excellent polar, fidèle au style du réalisateur, mais également une très belle compilation de diverses sources d'inspiration. D'après le roman d'Utano Shogo, le scénariste-réalisateur Hisashi Saito ("Tokyo Fist", "Sundya Driver") en a préservé l'excellente structure temporelle; mais tout le mérite en revient à Nakata. S'accaparant parfaitement du matériel d'origine, il réalise un excellent polar aux personnages troubles et aux nombreux rebondissements. S'il y a effectivement certains sauts temporels, la narration en est pourtant loin d'un "Memento", uniquement cité pour cause de sorties simultanées. Nakata s'amuse plutôt à exploser les standards habituels de narration cinématographique, comme il en respecte pas non plus l'identification à un seul personnage. Importe plutôt la machination machiavélique, au centre même du récit; les personnages en deviennent que secondaires et les différents pôles identificateurs caractérisent autant les différents double-rôles des protagonistes.
La mise en scène doit énormément aux réalisateurs étrangers, et notamment au cinéma américain, référence de ce genre particulier. Si le point de départ ressemble à s'y méprendre aux récents "Vanished ou "Frantic", la réalisation rend hommage à Hitchcock, de Palma, les frères Coën ou les fils (réussis) de John Dahl; mais c'est avant tout à Kurosawa, que doit le film : si certaines séquences doivent beaucoup au cinéma même du plus grand des réalisateurs japonais (voir la scène des inspecteurs, du rideau tiré et de l'écoute téléphonique, ainsi que de la mise en espace se référant ouvertement à "High & Low", jusqu'à la rançon identique exigée : 30 millions de yens), Nakata procède également à un même champ expérimental : changement de personnage principal en cours de film, malaxation de la narration temporelle, une histoire dévoilée sous l'angle de différents protagonistes, etc; sans parler de l'occidentalisation même de son sujet (les protagonistes mangent dans un restaurant français; le sujet est typiquement issu du polar américain, etc).
Nakata ne perd pourtant pas de vue ses propres thèmes récurrents : l'eau, le dysfonctionnement de communication entre un enfant et ses parents (séparés), la quête de la vérité d'un personnage; ni ne renie-t-il sa mise en scène : cadres posés, rythme lent et envoûtant, personnages enfermés au milieu du cadre, récurrence d'un thème musical au synthé crispant, ...
La fin renvoie directement à un cinéma plus fantastique avec la "disparition" du personnage central féminin renvoyant directement à sa descente aux enfers, son déchéance vers le bas et son éradication de la surface de la terre. Ayant brillamment terminé le jeu, elle n'a plus d'autre raison d'exister !
j'ai trouvé que c'etait le moins bon des films que H. nakata ai realisé (j'ai pas vu Sleeping Bride) la 1ere heure est pas mal du tout au niveau de la realisation, Nakata a habilement bien joué avec les comeback pour qu'on reussisse toujours a tout comprendre , mais ensuite lorsqu'ils disparaissent, le film devient alors beaucoup moins interessant !
Un bon petit thriller japonais !
Réalisation symptique (NAKATA Hideo aux commandes, évidemment ), associée à un scénario rempli d'un bon suspens, des acteurs de génie (NAKATANI Miki qui a déjà joué dans, héhéhé, "Ring" pardi ), et une musique bien choisie font de "Chaos" une réussite totale !
C'est pour moi une belle découverte, film qui m'a tappé dans l'oeil en regardant par hasard la filmo de NAKATA, quelle chance d'être tombé dessus ! Je le conseille à tous vivement !
le meilleur film de nakata; chef d'oeuvre!!!!
HIDEO NAKATA n'est pas qu'un réalisateur de KWAIDAN EGA, il sait tout faire et ce KAOSU vient nous le rappeler. La force de NAKATA est que même s'il n'écrit pas les scénariis de ses films, il se les approprie.
C'est le cas de cet immense film. Véritable relecture de VERTIGO d'HITCHCOCK(lui même revisité par le dieu DE PALMA dans son chef d'oeuvre OBSESSION), cet version n'en a pas moins son originalité. A commencer par l'éclatement de son récit(des flash forward se succède au flash back), et surtout par ce côté légèrement fétichiste que n'aurait pas renié DE PALMA. Voir la scène du ligotage pour s'en convaincre...
Mais surtout c'est par sa distribution que le film finit fini par convaincre, le couple principal est tout simplement hallucinant: MASATO HAGIWARA est encore meilleure que dans CURE, quant à MIKI NAKATANI elle est tout simplement incroyable en femme fatale , vénale , vertueuse, et quel regard...
Il ne faut pas oublier non plus le score de KENJI KAWAI, pour moi son meilleure avec AVALON et DARK WATER.
En clair NAKATA a pour moi réalisé le meilleur thriller japonais que j'ai eu l'occasion de voir et à sa place au côté de CURE & SEANCE.
Thriller catégorie de palma
Ce film m'a beaucoup fait penser aux réalisations de Brian de Palma des années 70-80's comme Body double.Les personnages ne sont pas qui ils prétendent être et le gogo du film est lui aussi pris un peu trop à la légère.
Reste le final qui plombe pas mal le niveau du film, un vrai gachis pour moi.
Dieu que c'est mort!
Hideo Nakata a fini de me dégoûter.
Le mot est peut-être fort, mais il faut voir la vérité en face: en dehors de "Ring", qu'a t-il fait? "Ring 2", déception;
"Sleeping Bride", lamentable conte de fées; et "Dark Water".
Okay, "Dark Water" est très maîtrisé, et même très flippant à certains moments. Mais je ne m'arrêterai pas là :) : mettons côte à côte "Ring", "Dark Water" et "Chaos". Il est difficile de voir combien le cinéaste a du mal à se renouveler. Okay, okay, on va dire qu'un cinéaste fait ce qu'il sait le mieux faire (à l'instar d'un Tarantino ou d'un Melville); quand c'est génial, il n'y a pas à se plaindre (sauf sur la durée peut-être...). Mais le problème est que... Nakata n'est qu'un tâcheron.
Possédé par un feeling ultime pour l'angoisse dans "Ring", il a prouvé qu'il sait faire peur dans "Dark Water"; et après? au fil des revisionnages, "Ring" révèle pas mal de ses tares (dont on note certaines dès la première fois): il est l'antithèse totale du "Kairo" de Kurosawa K., un produit calibré, formaté, doué, mais s'appuyant pas mal sur un seul artifice visuel et sonore, qui rend son film monochrome, angoissant comme le Nosferatu de Murnau mais désincarné (normal faut dire, c'est tiré d'un bouquin). De plus, "Dark Water", s'il faisait presque aussi peur, montrait déjà que Kenji Kawai a assez de mal à se renouveler. C'était assez réussi, mais ça n'avait plus rien d'inédit... en comparant les deux, on a déjà l'impression de voir la même photo, le même score, un bis repetita énervant.
En mattant "Chaos", tout est confirmé: Kawai fait son Ring, les 3 différents chefs op sont tellement obsédés par l'obsession de Nakata de faire dans la froideur qu'ils se ressemblent tous, et Sieur Nakata ne Fait rien que de filmer lentement (quand il filme l'innocence, c'est ridicule; quand il a quelque chose de dramatique dans son objectif, il filme tout pareil) :)
Le problème est un gâchis assez désolant, car le scénario est très, très bon. Chacun des personnages est excellement écrit (surtout le handyman), les rebondissements s'enchaînent et le rythme ne retombe pas. L'étau se resserre (figure connue), mais c'est ce qu'on attend, et l'originalité de l'idée de base élève le tout. On a pas l'impression de voir un énième film dans le genre. De plus, les acteurs se livrent à des prestations paranoïaques et/ou comateuses plutôt envoutantes, Miki Nakatani en tête (qu'elle est bêêêlle); alors POURQUOI cette retenue? pourquoi?
Le dénouement de l'histoire, à l'image du traitement artistique, est sans ambition: à trop vouloir faire dans le rebondissement, tout part en sucette, aucun des personnages ne sort complètement du lot, et on reste sur sa faim. Bien entendu, le côté "qui est le plus vicelard des trois" a quelque chose de séduisant, mais dans ce cas là, il fallait jouer la carte soit de l'humour noir, soit de la fatalité complaisante. Ou au moins, du jusqu'au-boutisme, avec un sujet pareil! mais non.
"Chaos" est glacial, sans âme, loin des canons habituels du film de kidnapping et c'est tant mieux, mais sans pour autant se créer un genre attractif à lui tout seul. Ca fait très téléfilm, et ça laisse vraiment une impression de vide, malgré toute cette matière qui s'est débattue sous l'oeilleton crevé du réalisateur...
Continue de faire peur, Hideo...