Une histoire de Temps
Le cinéma thaï – depuis tous temps – est un cinéma profondément commercial, où les moyens consacrés à un cinéma plus "libre" et personnel sont quasi nuls, où les espaces réservés à une éventuelle exposition sont quasi nulles, où les moyens d'apprentissage (sauf à avoir des parents riches, qui vous envoient à l'étranger) sont quasi nulles et où le regard des spectateurs n'est absolument pas forgé à une lecture à "plusieurs sens". Plein de raisons, qui expliquent sans aucun doute aussi pourquoi des initiatives, telle que celle d'Apcihtapong de créer un atelier il y a plusieurs années pour tenter de "former des jeunes" et leur donner accès à un matériel coûteux a été un échec: ces jeunes ne voyaient absolument pas l'intérêt d'exprimer quoi que ce soit et étaient DEMANDEURS à pouvoir produire des gros blockbusters pour jouir d'une certaine notoriété.
Assister à la naissance d'un Assarat ("Wonderful Town") est donc BIEN; assister à celle de quelqu'un comme SUWICHAKORNPONG Anocha, jeune FEMME dans une industrie (et société) foncièrement régi par des hommes et encore plus salutaire…Et finalement, Apichatpong pourra célébrer la naissance des premiers "disciples" profondément imprégnés de son œuvre pour tenter de perpétuer un certain mouvement.
Maintenant, toute bonne chose a toujours son côté plus obscur…et il faudra sans aucun doute d'une seconde œuvre, voire d'une troisième pour que la réalisatrice s'affranchisse quelque peu des influences trop visibles de son célèbre mentor et développe son propre style…Ensuite, il faudra également veiller à quel point les moyens mis à disposition par les investisseurs internationaux viennent "pourrir" sa démarche personnelle. Il n'était donc pas rare d'entendre les "prodigieux" conseils donnés par ses pairs au cours de la diffusion de "Mundane History" dans plusieurs festivals, que c'était "bien" et qu'il fallait continuer "exactement dans une même lignée"…à savoir faire du contemplatif pour du contemplatif…Ouaiche…
Car à force de multiplier ces dits plans et à régurgiter les références trop visibles (Apichatpong, mais également du Tsai Ming-liang et son "I don't want to sleep alone"), on ne sait franchement pas sur quel pied danser. Oui, l'histoire est dépouillée à son extrême et reflète parfaitement le morne quotidien de notre jeune homme handicapé, mais également son impatience à pouvoir faire bouger les choses – qui ne redeviendront jamais pareilles suite à son accident. Alors Anocha déstructure sciemment le temps pour bien faire comprendre, que celui-ci n'a plus aucune importance, voire même emprise sur les choses…et elle saupoudre le tout d'une dimension métaphysique magnifique (Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? A quel point notre histoire / malheur personnel s'inscrit dans l'immensité spatio-temporelle, qui nous dépasse et se noie dans l'infinie issue d'autres histories), puis de (l'attendue) (re-)naissance en filmant notamment une césarienne au plus près (un moment aussi émouvant que l'accouchement naturel dans "Naked Defense" de l'année dernière)…
Mais pour vraiment pouvoir se prononcer sur son talent et le génie de cette réalisatrice, il faudra:
a) laisser reposer un peu son "Mundane History" pour voir comment lui, ce film, réussit à confrotner la terrible épreuve du temps, qui passe et
b) ce qu'elle aura vraiment à dire, montrer, prouver dans un proche avenir.
Ce que j'attends personnellement avec beaucoup de bienveillance, son "Mundane History" réussissant à émouvoir et toucher juste avec des moyens extrêmement simples et humains…à l'instar de la mentalité thaïe dans son ensemble. Alors j'ai espoir…
pète (parfois heureusement) plus haut que son cul
La plus grande partie du film est chiante. C'est mis en scène dans la moyenne du film d'auteur thai contemporain, c'est à dire plutôt clean, mais il ne s'y passe rien si ce n'est les habituelles ritournelles du vide existentiel en plan fixe. Pire, la narration est délinéarisée sans qu'on sache trop pourquoi et surtout sans que cela n'apporte le moindre relief à l'ensemble.
Au milieu de tout ça, quelques scènes plus abstraites relèvent le niveau, dont un plan final plutôt troublant.
09 juillet 2010
par
Epikt