Réussi mais sans surprise
La Ballade de Narayama signé Kinoshita est un film typiquement ancré dans son époque. A cela on peut y voir à la fois un film extrêmement classique dans sa structure, dans sa narration et son visuel très travaillés, un ensemble aussi réussi que barbant sur la durée. On y trouve en effet un fond sonore au shamisen qui ne s'arrête pratiquement jamais, et si dans Kwaidan l'instrument est très présent, il est davantage varié et donc bien moins agréable à l'oreille parce qu'il n'est pas narrateur à part entière. Cette ballade direction Narayama puise sa force dans la théâtralité aussi bien dans le jeu parfois outrancier de Takahashi Teiji (dont un des plans finaux très tire-larme "Nous irons ensemble à Narayama lorsque nous aurons soixante-dix ans" sonnant comme un bon vieux Mizoguchi d'avant-guerre) que dans sa forme privilégiant les plans larges et l'aspect toc lui donnant pourtant beaucoup de charme. L'utilisation très régulière du travelling latéral pour soutenir l'action, le plan-séquence pour soutenir le suspense, le shamisen pour créer la suggestion (une note très sèche est entendue lorsque Orin se brise les dents en hors champ), les couleurs et la gestion de la lumière pour mettre l'accent sur un détail, un dialogue, une histoire à raconter, tous ces éléments là hissent La Ballade de Narayama au rang de vrai film de studio, véritable gagne pain de la Shochiku qui trouve en Kinoshita les talents d'un véritable artisan de l'image à défaut d'être un grand révolutionnaire sur le plan narratif : le film est très lent, pas très surprenant, et les histoires sous-jacentes (les vols, la misère humaine symbolisée par la volonté d'un voisin de vouloir tuer son père déjà trop âgé) ponctuent le film d'une aura mystique, notamment lorsque des familles entières chantent en coeur des récits ayant pour but d'humilier Orin qui possède, dit-on, les 33 dents du démon, ce qui la poussera d'ailleurs à s'en débarrasser par la manière forte. Mais le spectateur déjà habitué à ce festival de couleur que l'on trouvera par paquet dans le cinéma de Suzuki à venir, chez Kurosawa avec Dode's Kaden ou même dans le cinéma d'exploitation seventies avec le superbe Elle s'appelait Scorpion, ne sera pas en terrain inconnu, d'où cette sensation de voir un très joli film mais jamais sa mise en scène ne prend le risque d'innover réellement. On mettra cela sur le compte de la volonté de faire de cette ballade une pièce de théâtre à part entière réduisant ainsi, logiquement, sa portée sur le plan formel. Imamura adaptera le film 26 ans plus tard, Kaneto Shindo en fera une adaptation tout aussi libre pour dynamiser de manière volontairement comique son inégal mais souvent touchant Je veux vivre ! pointant une nouvelle fois la place des vieillards dans la société nippone. Comme quoi, emmener une vieille personne dans les montagnes n'est pas vraiment une légende dans l'esprit de chacun.
La dure prise de conscience de la mort
Fidèle adaptation du roman de Fukazawa Shichiro, contrairement à la version très libre d’Imamura (qualifiée de pornographique par Kinoshita lui-même) qui y avait rajouté des personnages (le puant notamment) qui l’avait axée sur une dimension très sociale et sur la misère sexuelle des villageois, la version de 1958 joue bien plus sur la théâtralité de l’histoire, sur son côté légendaire, en choisissant un cadrage très large, des décors en toiles peintes, des jeux de lumières outranciers avec des ciels violets ou des spots qui s’éteignent subitement pour ne plus laisser apparaître qu’un visage. Le shamizen, instrument traditionnel nippon, accompagne de ses quelques notes le déroulement de l’intrigue avec des chants qui la commentent, une forme très proche du Chant de la fidèle Chunhyang signé IM Kwon-Taek. Cela donne au film un aspect complètement intemporel qui n’a pas pris une ride presque 50 ans plus tard. C’est un délice.
Mais l’œuvre de Kinoshita vaut aussi pour ce qu’elle a à raconter : une réflexion sur la vie et sur la mort, sur l’amour filial, sur le temps qui passe et qui amène inexorablement vers l’instant que tout le monde redoute… L’accent est mis sur la volonté de la vieille Orin d’accomplir le voyage vers la montagne sur le dos de son fils à ses 70 ans dans le but de préserver les coutumes de son village, contrairement à son vieux fou de voisin qui n’admet pas qu’il doit mourir. Son fils Tatsuhei se refuse à cette fatalité et préfère ne pas y penser ; quant à son petit-fils, il s’en contrefiche et ne fait qu’ironiser sur la situation – quant ce n’est pas pour inventer des chansons méchantes sur les 33 dents de sa grand-mère ! Poignant, le final dans la montagne est un grand moment de cinéma qui fait se demander si Jarmusch n’aurait pas un peu lorgner dessus pour son chef d’œuvre Dead Man… Si le rythme est lent et n’accrochera pas tout le monde (comme cette scène rituelle où chacun des sages du village donne une consigne à Orin), il permet néanmoins la contemplation et la réflexion, comme celle-ci, de bien mauvais goût je l'admets : on pourrait peut-être suggérer au gouvernement de grimper nos vieux sur une montagne pour résoudre le problème des retraites ? Non ?
Tourner dos a la vie
Un grand film typiquement japonais dans ses thèmes et atypique dans sa réalisation.
Rarement les couleurs, décors, mouvements de caméras et des acteurs ont été aussi magnifiés.
Une ballade cinématographique sans retour.
Ennuyeux mais symbolique...
Je me suis quand même un peu ennuyé car le film est parfois chiant et démodé.
Mais après reflexion, l'histoire du film trouve une beauté certaine : la vieille femme prète à mourir au soir de sa vie accompagné par les neiges de Printemps...
Ballade musicale
Première adapatation de la célèbre légende.
Bénéficiant de décors somptueux et d'une mise en scène et images très soignée, le réalisateur choisit d'adapter le film comme une représentation du théâtre traditionnel nô avec force chansons à la clé. Bien moins engagée que son futur remake, cette ballade n'en demeure pas moins poignante par la dramaturgie de son récit et la fidèle adaptation jusque dans les scènes plus "dures" (le "cassage" des dents et débarras du grand-père réticent à l'idée de mourir y figurent déjà et étonnent par leur cruauté).
Plus sage, plus propre, mais époustoufflant côté image, ce classique vaut alrgement le coup d'oeil par tous les pasionnés du cinéma japonais.