Ordell Robbie | 3 | Des bons sentiments... mais aussi des qualités formalistes et un charme manga. |
Xavier Chanoine | 3 | Un conte une nouvelle fois plein d'énergie et de surprises |
Bande annonce
Nous l’avons déjà dit dans ces colonnes, l’univers créé de toute pièce par Nakashima Tetsuya est un parc d’attraction qui visiblement n’est toujours pas prêt de fermer ses portes, film après film. Après s’être fait connaître auprès du public occidental avec le déjanté mais inégal Kamikaze Girls (qui bénéficia d’une sortie en salles chez nous), l’auteur fou persista dans le feu d’artifice visuel avec le génial Memories of Matsuko, sorte de conte de fées cruel narrant les mésaventures d’une femme pour qui rien n’a souri dans la vie. Avec Paco and the Magical Book, le cinéaste signe une nouvelle œuvre biscornue et déjantée, parfois hystérique, en totale adéquation avec l’œuvre récente de son auteur : couleurs saturées à l’extrême, effets spéciaux délirants, outrance des personnages et narration en totale roue libre, accompagnement musical permanent bien que moins inspiré. Le fait est qu’en entremêlant une nouvelle fois les thématiques liées à la mort, à l’amour et à la transgression –transgression du conte de fées et de ses codes, Paco and the Magical Book s’aventure vers des terres constamment illuminées par l’esprit foldingue de Nakashima Tetsuya et son scénariste Monma Nobuhiro. En signant l’adaptation d’une pièce de Goto Hirohito, le cinéaste change la structure habituelle de ses derniers films en s’orientant, au fur et à mesure que l’on partage l’histoire personnelle des habitants de cette clinique un peu folle, vers une disposition bien plus théâtrale.
Acte final en forme de pièce de théâtre dans le film, menée tambours battants par un Yakusho Koji cabotin, rochon mais au grand cœur, Paco and the Magical Book n’est pas uniquement centré sur le personnage de la petite eurasienne Paco, enfant orpheline perdant la mémoire après avoir passé chaque nuit au lit, mais s’avère bien être une introspection dans l’esprit de chacun des patients. Pratiquement tout le monde est logé à la même enseigne, des infirmières vampires ou aux idées sombres, au patient couvert de cicatrices, en passant par le travesti, le vieillard teigneux ou une brochette de personnages sortis tout droit d’un cirque de province, le film trouve son rythme de croisière dès les premiers instants, tournant à plein régime grâce à un formidable montage d’images et de sons hilarants, marque de fabrique admirable de ce cinéaste à l’univers immédiatement reconnaissable. Car si l’histoire de Paco and the Magical Book, en elle-même, bascule un peu trop dans les bons sentiments et le larmoyant (une troupe de patients décident de mettre en forme le livre d’images que ne cesse de lire Paco, avant d’en oublier le contenu à chaque réveil matinal), la faculté du cinéaste à proposer des séquences hilarantes par le biais d’images et de sons cartoonesques l’emporte sur les petits points noirs vus plus haut. Mais quand on sait combien le cinéaste sait manier l’émotion pour mieux la détourner de son cadre –l’émotion, aussi belle qu’elle peut paraître, cache parfois une immense cruauté-, ce qui rebute au premier abord laisse place peu à peu à des instants concoctés par un grand cinéaste conteur, qui du haut d’une filmographie colorée, ne daigne pas à s’arrêter au genre pour enfants, un genre –le conte- qui leur est bien trop souvent dédié.