Le plus mauvais...
Après la révélation de la Légende du grand judo, Kurosawa Akira tombe de haut avec son second film. Le Plus Beau est en effet un mauvais film de propagande impérialiste aussi léger qu'un tank. Léger comme les ordres à la raideur militaire de Shimura Takashi en début de film d'ailleurs. C'est l'exaltation de l'effort et du sacrifice pour la nation en guerre en usant de ficelles formelles et narratives très grosses. Les ouvrières ne dépassent jamais le stéréotype, rendant ainsi le film aussi plaisant au visionnage qu'une journée à l'usine. Quant à la narration, elle est souvent aussi répétitive que le travail des ouvrières. Formellement, le film ne présente pas de vrai intéret: un usage facile de l'alternance plan large/plan de près pour susciter l'émotion, un usage facile du plan large et de la profondeur de champ pour montrer suivant les scènes le travail synchronisé des ouvrières ou la stakhanovisme de l'une d'elles et le plus souvent du cadrage juste joli et un classicisme planplan. Et il souffre qui plus est d'un manque de rythme le rendant mille fois plus long au visionnage qu'un Barberousse durant plus du double. Ce second Kurosawa était en fait un film de mercenaire fait suite aux demandes consécutives au succès de son premier film d'une oeuvre potentiellement rentable qui satisferait le pouvoir en place. Mais malheureusement pas un film de contrebandier...
Aucun intérêt
Film de propagande sans rien d'intéressant : au contraire de Sugata Sanshiro et de Sur la queue du tigre, impossible d'y repérer Kurosawa. Quant à mon acteur préféré (Shimura), il a dans ce film un petit côté Goebbels qui fait qu'on ne le reconnaît pas non plus. Et c'est tant mieux.
Travail à la chaine
Dans des interviews, Kurosawa ne se défend pas d'avoir succombé à la demande expresse de ses studios commanditaires pour réaliser ce film; en revanche – au contraire d'une "Légende du judo 2" – il ne renie pas du tout son œuvre, la définissant même comme l'une des plus "chères" pour y avoir rencontré sa future femme, l'actrice Yaguchi Yoko.
"The Most Beautiful" s'insère dans une certaine politique de propagande des instances japonaises, qui cherchaient à glorifier l'unité du peuple japonais et le travail fourni pour soutenir les efforts de la guerre.
Ce qui étonne par rapport à des films de propagande d'autres pays, c'est la non-diabolisation de l'ennemi, voire même son non-évocation. Les films japonais cherchaient avant tout à mettre en avant l'esprit unitaire d'une nation. "The Most Beautiful" serait donc avant tout l'histoire d'un groupe d'individus, qui vont – une fois de plus dans un film de Kurosawa – tenter de se dépasser pour accomplir un singulier destin. Au contraire de ces films suivants, ce ne sera pas vraiment pour une noble cause (augmenter la productivité pour l'effort de guerre), ni amené par un noble élément extérieur, ni en rapport avec les forces de la Nature. En se faisant quasi exclusivement passer son film à l'intérieur de l'usine (intérieurs ou enceinte du "camp de travail"), Kurosawa renonce à un aspect important de son œuvre, qui est l'inclusion des forces de la Nature comme un véritable moteur scénaristique. Curieusement, un plan d'enfants heureux à la neige devient également son plan le plus beau: alors que les rires des enfants manquent aux femmes dans l'usine (au contraire du supérieur, qui se réjouit de l'ordre, de la discipline et du calme divin), elles seront spécifiquement à trouver du côté d'un cadre idéalisé, loin des champs de batailles, tous ensemble, insouciants des malheurs des adultes.
En revanche, il est également intéressant de noter, que Kurosawa ne s'est guère foulé du côté de la mise en scène, rendant un travail absolument académique, sans aucun génie et interchangeable avec les nombreux travaux de n'importe quel artisan de l'époque.
Une curiosité dans le parcours de cet immense talent à venir – mais sans aucun intérêt par ailleurs.