Xavier Chanoine | 1.25 | Un suicide artistique. |
Elise | 2.25 | Un personnage principal trop effacé |
Perte de temps que ce Suicide Designer, adaptation poussive pour le cinéma et qui vient, par la même occasion, de recevoir une belle torpille dans son art. Le film de Jeon Su-Il est une véritable catastrophe aussi bien dans le fond que la forme, sorte de vague objet filmique complaisant et doté de propos infiniment douteux. Il faut tout de même voir le message pessimiste de fin axé sur la mort et son privilège avec son "mais qu'est-ce que la vie?" pour se rendre compte de la bêtise des propos du cinéaste (je n'ai pas lu le livre, et je n'y compte hélas pas m'y plonger), dits sans véritable gêne mais emprunts d'une vulgarité remarquable. Bravo donc pour ce premier faux pas. Un ratage qui démarre bien trop vite, puisque l'introduction en dit déjà long sur le côté flambeur pseudo intello typique du théâtreux moyen qui tente d'adapter un bouquin pour son plaisir : une paumée qui se partage deux hommes, l'apparition d'une mannequin dans ce qui semble être une piscine de sang improvisée dans un drap de plastique, et surtout cette lenteur exécrable plombant les quelques menus espoirs de faire du cinéma d'auteur branchouille.
C'est une mode de tout manière, cette espèce de plaisir à mettre en boîte des interprètes qui ne causent pas, qui se regardent et se jugent, dans une esthétique tellement sombre qu'elle finit par ne pas être crédible tant l'ensemble pue le surfait. Le scénario est en plus très simple, puisqu'un homme mystérieux a pour boulot d'aider des personnes dans leur suicide. On prépare les plans, on essaie de trouver la solution la plus "belle" et "intéressante" de mourir, histoire que cela soit fait dignement. Car oui, les ratés de la société ou les artistes frustrés discutent de leur mort avec leur bourreau poétique, l'occasion de rendre certaines séquences ridicules au possible comme ce motard qui évoque Kurt Kobain et Hide de X-Japan, tous deux suicidés de "manière cool", tout en restant des "idoles" encore aujourd'hui. Le problème c'est que Hide a été retrouvé mort chez lui, mais les causes de son décès restent encore mystérieuses. Comment ose-t-il parler de suicide pour cette légende du rock? Que le scénariste se renseigne deux minutes avant de pondre pareille sottise.
Soit, si l'on fait l'impasse sur ces maladresses déplacées, rien ne peut pourtant sauver Suicide Designer du néant artistique dans la mesure où visuellement la DV ne rend pas honneur au travail d'ambiance -déjà moyen- du directeur artistique et du photographe. Environnement sombre et lisse, mise en scène plate et bande-son inexistante empêchent ce long métrage d'inquiéter malgré un scénario à l’origine effrayant. L'effet "contraste" est ainsi mal géré, où le fond au demeurant vomitif trouve ses limites rapidement, la faute à une forme qui ne suit pas et qui annihile définitivement la crédibilité et la "poésie" qui pouvaient à l'origine s'y dégager. En résulte alors un film vulgaire, étiré sur la longueur et d'un ennuie profond.
Esthétique : 2.5/5 - Malgré un ensemble "cadré", la mise en scène est vraiment statique. Musique : 2/5 - Travail sonore moyen, musique quasi inexistante...un silence bien triste. Interprétation : 3/5 - Juste, mais rien d'extraordinaire. Composition réussie de la part de la jeune paumée. Scénario : 1/5 - Une complaisance face à la débilité de certains propos, assez effrayante.
Etant l'adaptation du chef d'oeuvre de Kim Young-Ah, La Mort à demi-mots, j'avais hâte de savoir comment ce roman avait pu être transposé à l'écran. Pour le détail, je voudrais juste pousser un petit coup de gueule à l'attention de l'éditeur français qui aurait pu se rendre compte (ou au moins on aurait pu lui dire) que le film qu'ils ont affublé d'un titre d'une débilité sans précédent était l'adaptation d'une roman coréen déjà publié en France depuis plusieurs années (sous un titre pas forcément très parlant mais un peu moins nase). Bref, passons. Ainsi, Suicide Designer (beurk !) reprend l'histoire de "S", un homme dont le métier un peu singulier consiste à accompagner les gens désireux de mettre fin à leurs jours vers la méthode la plus adéquate. A coté de cela, on suit les déboires de Se-Yeon et de ses deux amis, tous deux amoureux d'elle. Les histoires de "S" et Se-Yeon finissent inévitablement par se croiser, vu l'envie de Se-Yeon d'en finir avec sa propre vie.
Ce qui est surprenant, au premier abord, par rapport au roman, est le montage linéaire du film. On finit par s'y perdre un peu dans la facilité du déroulement. Aucun suspense quand Se-Yeon prend l'ultime décision là où, dans le roman, on se savait ce qu'elle était devenu sans oser s'en convaincre, juste en suivant les deux frères la cherchant sans trop y croire. Mais ce qui est vraiment déroutant est la façon dont est dépeint "S" : un personnage qui voit dans le suicide une manière d'exprimer son talent de créateur comme un dieu. Certes, mais on dirait vraiment un pervers psychopathe, et toute la partie où il voyage en Suisse et rencontre une Hong-Kongaise dans le train passe complètement à la trappe. On se demande pourquoi, alors que c'est ça qui révèle tout de la personnalité de "S", les petites scènes ajoutées dans le film avec le jeune motard n'apportant quasiment rien à part qu'il ne veut pas inciter les gens au suicide. C'est bien pauvre pour un personnage dont la psychologie est le pilier du film.
Les interprètes sont en outre très bons, en particulier Lee Su-Ah, qui joue Se-Yeon à la perfection et Kim Yeong-Min dans un de ses meilleurs rôles. Jeong Bo-Suk est, à l'instar de ce que le scénario a fait de son personnage, un acteur de second plan dont le rôle n'a pas réellement d'influence sur le film. Bref, Suicide Designer aurait gagné à suivre un peu plus à la lettre la trame du roman, plutôt que de prendre des libertés qui gâchent tout l'intérêt de l'oeuvre de Kim Young-Ah.