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Song of the Exile

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Phildu62 2
Manolo 4
Fred30 3
Bastian Meiresonne 4.5


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Des malentendus mal entendus

Femme à ne pas se laisser abattre par les échecs (après ceux de "Love in a fallen city", le diptyque de "Romance of Book & Sword") et les contrecoups, Ann Hui rébondit bien vite de sa relative mise à l'écart sur le projet "Swordsman" pour revenir vers un cinéma plus biographique et personnel. "Song of the Exile" sera ainsi l'histoire romancée de sa propre relation à sa mère japonaise et deviendra incontestablement son meilleur film depuis le coup de génie de son magnifique "Boat People". Et l'un des plus beaux hommages au cinéma japonais classique par un réalisateur étranger de tous les temps.
 
Ann Hui avoue sans détour avoir été contre l'imposition de Maggie Cheung dans son propre rôle; or la jeune actrice tout au début de sa future fulgurante carrière porte l'entier projet sur ses belles épaules, depuis le début comme une étudiante bien loin de ses racines en passant par la fille révoltée envers sa mère jusqu'à la jeune femme paumée dans un pays au langage et aux coutumes étranges jusqu'à la nouvelle femme en toute fin du métrage…et il aurait sans aucun doute valu un second film pour conter la dernière partie précipitée en raison du temps de tournage écoulé et budget dépassé…
 
Le film démarre donc sur le portrait d'une jeune femme à l'aube de sa vie en tant que femme adulte, bien loin des soucis familiaux de son pays et sur le point de se construire elle-même à l'étranger. Elle vient de passer brillamment ses études, parle un anglais courant et est sur le point de rentrer dans la vie active en postulant comme journaliste à la BBC. Rien que l'un des premiers plans prouve son détachement vis-à-vis de ses origines: elle n'en a rien à faire des dernières nouvelles du front de la guerre du Vietnam, rapportées de façon grave par le journalise, mais s'en va joyeusement en compagnie de ses amies par la porte sur fond de musique seventies. L'Asie est bien loin.
Elle refusera d'ailleurs à rentrer au pays sous de prétextes approximatives et vaseuses, alors même qu'elle sait déjà que sa première candidature a été refusée (alors que sa copine, anglaise, elle, a été acceptée par la BBC – son destin n'est donc vraiment pas à l'étranger). Curieusement, sa sœur aussi va partir à l'étranger, en partant s'installer avec son futur époux au Canada.  
Une partie introductive, qui renvoie directement aux années d'étude de la réalisatrice Ann Hui en Angleterre.
 
L'héroïne va finalement consentir par rentrer, amadouée par le fait que ce sera sans doue la dernière occasion de voir sa petite sœur avant le départ de cette dernière pour le Canada. De suite, des tensions vont apparaître entre elle et sa mère (Voix off, qui dit: "Peut-être, que je n'ai jamais compris ma mère; ou peut-être a-t-elle vraiment beaucoup changé durant ces trois dernières années. Mais dans mon souvenir, ma mère n'était pas comme elle est maintenant"). La scène de la bague renvoie une nouvelle fois au refus de Maggie de revenir à ses sources, mais également de reconnaître ses origines: elle refuse ainsi, que sa mère lui achète une bague en contrepartie de celle léguée par le père à sa sœur pour son mariage. Elle refuse ainsi le souvenir de son père, ainsi que de perpétuer la lignée, en disant d'ailleurs, qu'elle pense se marier incognito à l'étranger.
 
Cette scène va directement renvoyer au premier flash-back d'une longue série, qui va rappeler la jeunesse de l'héroïne, servant à relever des vérités, auxquelles elle ne s'attendait pas. L'injonction de son grand-père va contredire sa propre attitude dès débuts: "Travaille dur à l'école et jamais tu ne pourras oublier tes origines"…
Contrairement à son grand-père, Maggie a pu apprendre des méthodes occidentales, alors que ce dernier s'est vu refuser d'apprendre les méthodes occidentales de médecine par son père.
 
Ce premier flash-back va également constituer la première étape vers un retour aux sources de l'héroïne, qui va se poursuivre de manière physique: pour les besoins du mariage, Magie est obligée d'endosser le costume traditionnel chinois et d'adopter la même coiffure que sa soeur et sa mère – une scène qui va rappeler à Maggie une autre scène de sa jeunesse, lorsqu'elle a été obligée de se couper les cheveux pour entrer à l'école.
 
La véritable rupture de ton du film vient finalement à la décision de Maggie d'accompagner sa mère au Japon, où elle veut se réinstaller après des décennies passées loin des siens pour finir ses jours. Et c'est là, que le film trouve tout son génie…
Car Maggie va FINALEMENT pouvoir se connaître elle-même en découvrant tout sur sa mère et sur sa terrible histoire; mais plus encore en apprenant toute son histoire personnelle, elle va véritablement VIVRE les mêmes émotions et ressentis en ne comprenant rien – à prime d'abord – à une langue (le japonais) qui lui est parfaitement étrangère et aux coutumes, si différents. Bien qu'en empruntant un chemin inverse (une chinoise va découvrir le Japon, alors que sa mère japonaise a dû s'imprégner des us et coutumes chinois), elle va pouvoir retracer tout le parcours de la vie de sa mère.
 
Cela va donner à des situations cocasses toutes simples, comme celles de la première sortie au restaurant, au cours de laquelle la maman ne pourra s'empêcher de commander tous ses plats favoris (beaucoup trop), qu'elle avait été dans l'impossibilité de manger depuis toutes ses années passées en Chine; cela continuera par les retrouvailles de ses anciens amis (et amants) et de l'instantané appel des pas d'une danse jadis exécutée au sein des siens.
 
Mais à la différence de sa mère, qui avait été mise à l'écart par ses beaux-parents pour avoir été d'origine japonaise, soit le terrible ennemi des événements politiques des années 1930 et 1940, Maggie sera acceptée telle qu'elle est partout et retrouvera comme une seconde famille; cela lui donnera également à réfléchir sur son terrible comportement depuis toujours envers sa mère, quand elle avait été jusqu'à choisir de rester auprès de ses grands-parents plutôt que de suivre ses parents jusqu'à Hong Kong, quand elle n'était qu'une gamine.
 
Bref, "Song of Exile" est sans aucun doute l'un des plus beaux films sur la découverte de ses propres racines jamais tournées et rappelle par ses touches extrêmement simples et naturels le meilleur cinéma d'Ozu, sauf qu'à l'inverse du maître du cinéma japonais classique, Hui conte la re-soudure d'une cellule familiale au lieu de son éclatement.


25 août 2009
par Bastian Meiresonne


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