Bidonville ou ville bidon?
Intéressant, comme toute une nouvelle génération de réalisateurs s'attaque à des sujets plutôt tabous, témoignant d'une nouvelle vision de rage contenue, comme celle ayant assuré le renouveau du cinéma en 1997, mais qui était plutôt politique.
Cette nouvelle génération reprend le flambeau avec les conséquences directes des décisions et situations politiques du passé, notamment sur le socail (pauvreté et laissez-pour-comptes de l'incroyable bond économique de la Corée de la fin des années 1980s) et les mentalités (le dédain de l'étranger et / ou pour leur voisin du Nord).
Le réalisateur, Park Chur-woong, aborde un sujet en apparence grave, celui des bidonvilles, fleurissant aux abords, voire même près du centre-ville es grandes villes coréennes…Un fait surprenant, qui promet de donner – au mieux – un éclat de cinéma-vérité et – au pire – l'un de ces nombreux drames misérabilistes généralement façonné pour un circuit festivalier mondial…En fait, il n'en est rien. Le bidonville ne sert que de trame à une comédie familiale à 100 % populaire et pensé pour un cinéma commercial…et manque le coche d'allier avec succès cinéma plutôt d'auteur et commercial…Car malheureusement à aucun moment, le film ne colporte aucune vision personnelle de ces gens. Ils sont pensés comme des simples personnages, qui auraient aussi bien pu habiter des quartiers défavorisés de l'Amérique centrale, au lieu de celles de la ville de Séoul; des simples pantins à une histoire aux relents dramatiques, mais qui – là non plus – n'est absolument pas aboutie.
On part donc sur un drame familial, avant d'entr'apercevoir les débuts de ces films "de réussite" à la pelle avec le petit Sam-nam super-doué pour la musique, qui semblerait être pris sous l'aile protectrice d'une prof avant de dévier vers un film de mafieux, comme le cinéma coréen en chie par dizaines depuis des décennies…Sauf que, dans les mêmes genres, on a vu beaucoup mieux abouti, beaucoup mieux ailleurs. Le "film de succès" est une récurrente depuis des décennies dans le cinéma américain pour symboliser the "american dream", récupéré depuis par le cinéma asiatique pour en faire des mélos à la pelle. Le drame social à connotation auteurisante a donné les très bons "Une femme coréenne" ou – dans ce cas précis – le passionnant "Paju" récemment…et en ce qui concerne le film de mafieux, "A family" se place à des miles au-dessus de ce "Where are you going"…Un titre finalement terriblement annonciateur de la déroute du réalisateur.
Avec toutes ces histoires imbriquées, impossible également de s'attacher convenablement à l'un des nombreux protagonistes, tous trop sommairement brossés, à coups des fameux coups de brosse typiquement coréennes, qui précipite les personnages dans le pire des malheurs en trop peu de temps…Sans parler des personnages totalement sacrifiés, comme celui du père et – surtout – de la sœur muette et souffrant de troubles psychiques. La scène, où elle décide de s'enfermer dans un poulailler aurait pu donner lieu à une très belle séquence d'émotion…mais tombe ici comme un cheveu sur la soupe…
C'est d'autant plus dommage, que l'on sent une réelle envie de faire. L'image est impeccable…aux cadrages parfaits et plans inspirés, comme ce magnifique décor de rivière traversant le bidonville et dans lequel se reflètent les immeubles au loin…
Mais là encore, c'est parfois trop "académique" dans sa volonté de faire, trop "propret" par rapport à l'histoire racontée, trop "académique" dans son découpage simpliste et trop démonstratif avec le gros plan sur THE couteau, qui va précipiter un personnage dans le malheur...le tout souligné d'une bande-son dictant l'émotion du spectateur avec violons quand il faut pleurer, etc.
Néanmoins, il reste quelque chose d'attachant, cet amour et ce soin porté aux petits détails et à certains personnages, cette volonté de profiter de sa première occasion d'enfin passer derrière la caméra pour raconter des choses, qui font que j'y crois, un peu, à ce réalisateur.
Faudra attendre ses prochains et espérer, qu'il saura canaliser ses envies et de gommer un peu ses artifices pour assurer une vraie réussite.
En attendant, le film, coproduit par une grosse maison de production coréenne, reste encore inédit à ce jour…