Bad trip clinique
On suit avec distance la vie quotidienne d'un interné dans une clinique quasi imaginaire, se nourissant, se brossant les dents, dormant, traversé de flashs de nature tel qu'il la conçoit, lumineuse, presque abstraite. Un patient qui parvient finalement à mouler une clef en brûlant sa brosse à dents, aidé d'une boule de riz malaxée (oui d'accord) pour enfin s'enfuir et s'offrir à la liberté physique. Son esprit malade retourne finalement bien vite dans le tunnel sombre qui semble être l'unique personnification de sa psychose, de sa prison mentale.
Hormis la mise en scène chaotique de rigueur, quelques secondes d'électrochocs très cheaps et un médecin fantomatique qui le poursuit à la hache, l'homme ne semble pas si égaré et tourmenté que cela à vivre dans sa pièce, comme si Toda avait finalement du mal à détacher la profonde aliénation de l'enfermement à proprement parlé. Une démarche volontaire diront certains, pour mieux appuyer les psychoses seules responsables du malaise, car Toda ne cherche pas ou très peu la démonstration. Il s'agit uniquement pour lui de créer un lien entre l'enfermement et la liberté physique qui ne sont plus dicernables puisque l'esprit lui-même forme les murs et la prison du malade. La démarche est intéressante mais concrètement ça laisse quelque peu perplexe.
La mise en scène ouvertement expérimentale nous plonge dans une ambiance proche du Cyberpunk à défaut de nous plonger dans l'esprit du patient, alors que sa vétusté affichée et son orientation abstraite finissent par sembler trop lourdement ostentatoire. Le comble pour une mise en scène minimaliste soit disant épurée. On pourrait croire que le montage s'applique à faire dans le chaos, multipliant les plans fixes à coups de cuts bruts laissant même trembler la dernière image avant le plan suivant, mais l'effet à répétition finit par ne plus se justifier ni suffire à apporter un sens conséquent au plan.
Les brefs extérieurs de nature surexposés comme jamais, de même que l'image volontairement crade, le contraste et la colorimétrie vacillante, donnent l'impression d'une pellicule amateur retrouvée dans une décharge et cautionne bien l'atmosphère clinique, "sur le fil de la raison" de l'ensemble mais ça ne va pas plus loin, cela s'arrête même strictement là. Même chose pour les dialogues volontairement très rares qui ne singularisent pas vraiment le court des autres trips en la matière, tandis que la bande son oscillant sans arrêt d'un volume à l'autre, terriblement saturée et même déformée telle un radio-cassette à l'agonie, pose bien une ambiance mais ne traduit pas grand chose (d'original) alors que l'historiette reste bien trop froide et abstraite pour laisser passer une quelconque émotion.
Hiroshi Toda pille du reste allégrement cette bande son caverneuse et délavée à de grands compositeurs tel Philip Glass (Koyaanisqatsi), Vangelis (Blade Runner), et j'en oublie, ce qui est ma foi assez énervant. Ajoutons l'acteur, Hiroshi Toda lui-même, soit disant malade, plus proche au final d'un beau gosse en costume au visage constamment figé accentuant uniquement sa froideur distante, il n'en faut pas plus pour me faire décrocher.
Au final, ce premier court métrage d'Hiroshi Toda, comme par hasard infirmier en psychiatrie de son métier, n'offre pas grand chose de concret, d'original ou de probant. Même si l'on peut retenir la mise en scène expérimentale bien coincée entre l'amateurisme volontaire du Dogme et l'errance délabrée d'un Shinya Tsukamoto, on ne peut pas dire que l'introspection soit réussie au point de cautionner l'intérêt très relatif de l'ensemble. Heureusement, ce n'est que 30 minutes.
SPOILER Quant au final, je n'y ai pas vu le souvenir du meurtre mais le présent d'un mauvais réflexe, une folie qui le renvoie d'où il vient. Comme quoi, chacun peut y mettre son propre grain, c'est déjà ça. SPOILER
Le malade imaginaire
Se basant sur son expérience professionnelle en psychiatrie, Hiroshi TODA imagine les visions tourmentées d'un malade mental interné. L'introduction dresse ainsi le parallèle entre son enfermement physique (prisonnier d'une cellule) et celui fantasmé (prisonnier d'une sorte de tunnel). Après avoir été soumis à un traitement à base d'électrochocs, l'homme réfléchit au meilleur moyen de s'échapper. Calqué sur le principe de films américains de prison, il réussit à fabriquer une clé à l'aide de cire lui permettant de gagner la liberté. Sa fuite n'est qu'illusion, comme le prouvera le surprenant final.
Après un début introspectif et claustrophobe, TODA rompt le ton par une série de plans fixes d'une Nature vierge et apaisée. Une calme rivière ruisselante, un paysage montagnard embrumé et une forêt tranchent singulièrement avec l'univers carcéral dépeint auparavant; les métrages suivants du réalisateur confirmeront l'importance accordée à la force des éléments terrestres au sein de ses œuvres. Une fois en ville, le voyage en métro aérien n'est pas innocent : une nouvelle fois "enfermé", l'homme est pourtant libre de se déplacer d'un endroit à l'autre et entouré de vitres lui permettant de voir l'extérieur. Cette échappée ne dure pourtant qu'un temps. L'homme arrive dans le tunnel déjà aperçu plus tôt dans le film. Il revit l'acte commis dans un passé indéfini et pour lequel il a été placé en hôpital psychiatrique. Ethérée, la réalisation de la scène rappelle un certain cinéma surréaliste de Bunuel ou – plus proche de nous – celui de jeunes auteurs français typique des années '80s, tels que Bertrand Blier ou Leos Carrax. Les images se mélangent, un mystérieux homme prête une hache avant de s'attaquer lui-même au malade mental. Les frontières du réel s'embrouillent – est-ce que tout ceci n'a finalement pas été qu'un fantasme de plus dans l'esprit tourmenté du jeune patient ? Et à TODA d'avoir réussi d'amener le spectateur au tréfonds même du tortueux esprit d'un malade mental. Tourné à l'intérieur de l'institution dans laquelle TODA exerçait son métier d'infirmier en psychiatrie à l'époque, il réussit à synthétiser son métier de manière fort convaincante.
RETROUVEZ UN DOSSIER ET LA FILMOGRAPHIE COMPLETS DU REALISATEUR SOUS :
EIGAGOGO !!!